Les centristes se mettent en ordre de marche pour 2012

Jean-Louis Borloo n'a pas encore levé le voile sur ses intentions en vue de la présidentielle, mais poursuit un objectif: faire gagner la "famille centriste", dont les diverses composantes se prononceront dans le courant du mois de mai sur leur adhésion à - -
par Emmanuel Jarry et Yann Le Guernigou
PARIS (Reuters) - Dans son bureau du n°1 place de Valois à Paris, siège historique du Parti radical, Jean-Louis Borloo fait un rêve: reconstituer un grand parti du centre capable d'amener un candidat à la présidence de la République.
Pour l'ancien ministre de l'Ecologie de Nicolas Sarkozy, qui ne cache pas son ambition d'être ce candidat, ce mois de mai sera déterminant pour remettre en ordre de marche une famille politique dispersée mais qu'il juge majoritaire en France.
"L'objectif est d'installer une nouvelle famille pour vingt ans dans le paysage politique français", explique le président du Parti radical à des journalistes. "Est-ce qu'on va vers cette réorganisation ? Je crois qu'à la fin du mois de mai on pourra dire 'oui' de manière irréversible."
Le Nouveau centre (NC) de l'ex-ministre de la Défense Hervé Morin lancera samedi l'ultime étape de la création de la future "Alliance" ou "Alternative républicaine, écologique et sociale" (Ares) - le nom n'est pas encore définitivement choisi.
Lors d'un conseil national réuni à Versailles, ses membres seront invités à adopter une motion approuvant l'adhésion du NC à cette confédération des centres.
Suivront le Parti radical, qui tient son 111e congrès les 14 et 15 mai, la Convention démocrate d'Hervé de Charette, le 25, et la Gauche moderne de l'ex-socialiste Jean-Marie Bockel, lui aussi ancien ministre de Nicolas Sarkozy, le 28.
L'Alliance centriste du sénateur Jean Arthuis fermera la marche le 2 juillet. Mais le lancement officiel de la nouvelle confédération centriste, décidée à s'émanciper de l'UMP, le parti du chef de l'Etat, interviendra dès le courant de juin.
IRRITATION
Cela signifiera pour ces formations la fin du contrat de législature qui les lie depuis 2007 à l'UMP. "On est dans la période de préavis", souligne Jean-Louis Borloo, qui se dit prêt à accueillir des élus UMP pur sucre.
"Je ne fais que recevoir des gens dans mon bureau qui sont demandeurs, qui n'ont pas envie d'avoir l'étiquette UMP pour les législatives", assure-t-il.
Le projet, un temps objet de railleries à l'UMP, irrite aujourd'hui l'Elysée et le parti présidentiel, qui y voient un danger de morcellement de l'électorat de droite.
Nicolas Sarkozy, partisan d'un candidat unique de la droite dès le premier tour de la présidentielle - lui-même - a tenté de dissuader Hervé Morin de se lancer dans l'aventure d'une candidature du centre et s'est séparé de lui faute d'y parvenir.
L'entreprise n'a cependant vraiment pris de la consistance qu'après le départ du gouvernement de Jean-Louis Borloo, déçu de ne pas obtenir le poste de Premier ministre que Nicolas Sarkozy lui avait fait miroiter, en novembre dernier.
Le président du Parti radical a annoncé le 7 avril sa décision de quitter l'UMP et s'est dit prêt à être candidat en 2012, non pour contribuer à la réélection du chef de l'Etat en fixant les voix du centre mais pour l'emporter.
"Ça ne sera pas pour essayer. On va gagner. Si on se présente, c'est pour être élu", confirmait jeudi Jean-Louis Borloo, à qui Hervé Morin a décidé de joindre ses forces.
La seule élection d'un président centriste sous la Ve République remonte à 1974, avec Valéry Giscard d'Estaing, dont l'héritage a été dilapidé par François Bayrou, son successeur à la tête de la défunte UDF, en partie absorbée par l'UMP.
GRAND SAUT
Jean-Louis Borloo n'est cependant pas encore tout à fait prêt à faire le grand saut.
"L'avion a décollé, l'équipage est là. Mais tant que le parachutiste n'a pas sauté, il est encore dans l'avion. Et quand il a sauté, ce n'est plus le même homme, explique-t-il. C'est une annonce lourde, grave, personnelle. Je m'y prépare très sérieusement. Est-ce que j'ai décidé de le dire ? Pas encore."
Avant de prendre une décision définitive - peut-être avant l'été - il dit vouloir être au clair sur son programme : cinq grandes réformes maximum, dont vraisemblablement une réforme de l'éducation et de la formation, une méthode, une construction européenne moins dépendante des marchés, etc.
"Je veux un pays apaisé avec peu de réformes mais très claires. Les équipes, le style, la hiérarchie, la méthode, je les ai en tête, explique-t-il. J'ai beaucoup avancé."
Si Jean-Louis Borloo renonçait finalement à se présenter, Hervé Morin se montre prêt à reprendre le flambeau.
"Le choix du candidat se fera à l'automne sur le critère du sentiment de l'opinion mais aussi de la détermination, qui devra être prise en compte", expliquait mercredi à des journalistes le président du NC, décidé de longue date à tenter sa chance.
D'ici là, les deux hommes, qui reprochent à Nicolas Sarkozy d'avoir donné un coup de barre à droite à son discours et sa politique en mettant en avant les thèmes de la sécurité, de l'identité nationale et de l'immigration, afficheront une entente parfaite qui n'allait pas de soi il y a quelques mois.
Edité par Patrick Vignal