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Les maires des petits villages contraints d'augmenter leur salaire: "C'est une aberration"

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REPORTAGE - Depuis le 1er janvier 2016, une loi oblige les maires des communes de moins de 1.000 habitants à se verser le montant légal des indemnités prévues pour leur fonction. Sauf que, jusqu'à aujourd'hui, les édiles de ces communes faisaient le choix de ne pas se verser de salaire, pour ne pas plomber les finances de la municipalité. Dès lors, comme à Saint-Jean-d'Heurs (Puy-de-Dôme), certains édiles refusent.

C'est une loi passée inaperçue mais qui pourrait bien impacter fortement les petites communes. En effet, depuis le 1er janvier 2016, les maires des villages de moins de 1.000 habitants sont obligés de se verser le montant légal des indemnités prévues pour leur fonction. Plus précisément, la loi prévoit 646 euros bruts pour un village de moins de 500 habitants et 1.178 euros bruts pour une commune qui a entre 500 et 1.000 habitants. Sauf que, jusqu'à aujourd'hui, les édiles de ces communes faisaient le choix de ne pas se verser de ce salaire, pour ne pas plomber leurs finances.

L'objectif de cette loi est pourtant de revaloriser le statut de l'élu pour amener les nouvelles têtes à prendre des responsabilités. Mais dans les faits, c'est un véritable casse-tête. "Beaucoup de mes collègues ont fait le choix, par philosophie ou par contraintes financières en raison des baisses de dotations, de prendre moins d'indemnités pour garantir l'investissement de leur commune", assure Sébastien Gouttebel, président de l'Association des Maires Ruraux de France pour le département du Puy-de-Dôme.

"Je ne veux pas"

Et d'ajouter: "Cela peut donc pénaliser certains projets communaux. C'est vraiment frustrant et handicapant". D'autres, comme Bernard Frasiak à Saint-Jean-d'Heurs dans le Puy-de-Dôme, près de Clermont-Ferrand, vont même plus loin en refusant tout net d'appliquer la loi. Il continue donc de toucher 550 euros par mois alors que la loi l'oblige à en gagner le double.

"Je ne veux pas. Qu'est-ce que je vais faire de ces 500 euros supplémentaires par mois?", s'interroge-t-il sur RMC. Avant d'approfondir les raisons de son refus: "Cela a des conséquences sur le budget communal. Je perdrais l'équivalent de 70.000 euros sur un mandat. Ce qui m'empêcherait de refaire la cour de l'école, la voirie ou autre type d'investissements de ce genre".

"Une marque de confiance"

Les 700 habitants de Saint-Jean-d'Heurs soutiennent leur maire à l'image d'Anaïs: "C'est mieux. On sait qu'il ne prend pas l'argent de son côté mais qu'il le garde pour faire des travaux dans la commune pour améliorer la vie des habitants. C'est une marque de confiance et d'humanité". D'autant plus que Bernard Frasiak avait fait de la baisse de son salaire d'élu un argument de campagne en 2014.

Cette loi va donc, selon lui, semer le trouble chez les électeurs. "Personne ne peut comprendre, dans une situation un peu difficile où les dotations de l'Etat baissent, qu'on oblige des gens qui ne veulent pas cet argent à le prendre. Est-ce qu'on peut comprendre cela? C'est une aberration". Et si le préfet oblige le maire de Saint-Jean-d'Heurs à augmenter son indemnité, il assure qu'il démissionnera pour s'engager auprès d'œuvres caritatives.

Maxime Ricard et Gwenaël Windrestin