Les résultats de l’élection dès 18h30 dimanche ?

Le quotidien Libération annonce ce mercredi qu’il « se réserve le droit » de publier sur son site internet les estimations de l’élection présidentielle dès 18h30 dimanche, au lieu de 20h comme l’indique la loi. Mais «cela pourrait léser un candidat », alerte un politologue...

Et si dimanche, vous alliez voter en connaissant déjà la tendance des votes ? C’est désormais envisageable : le quotidien Libération annonce ce mercredi qu’il « se réserve le droit » de publier les estimations dès 18H30 sur son site internet. La loi, elle, punit de 75 000 euros d'amende toute personne qui divulgue des estimations de résultats avant 20h. Une somme multipliée par 5 lorsqu'il s'agit de personnes morales, comme c'est le cas pour les journaux et les sites internet.
Par ailleurs, la Commission des sondages révélera vendredi un dispositif inédit pour lutter contre la publication avant l'heure des résultats au premier tour de l'élection présidentielle, a-t-on appris mercredi auprès du secrétariat de cette instance.

« L'information circulera sur des médias francophones étrangers »

Sylvain Bourmeau est le directeur-adjoint de la rédaction de Libération : « Aujourd’hui, il y a une forme d’inégalité, puisque les grandes villes peuvent voter jusqu’à 20h et pas les petits bureaux. C’est cela qui fait en sorte que les premières estimations sont réalisées alors même que des bureaux sont encore ouverts. Il y a une forme d’hypocrisie, du fait que des estimations circuleront sur des médias francophones étrangers, et que ceux-ci, fort heureusement, ne connaissent pas de frontières. On ne peut pas arrêter l’information. Il veut mieux partir de cette réalité et trouver une solution d’égalité des citoyens devant la loi, plutôt qu’essayer de mettre des rustines là où ce n’est pas possible. »

« A l'heure d'Internet, ça n'a plus de sens »

Yves Sintomer, politologue et professeur à l’université Paris 8, est pour la publication des estimations dès 18h30 : « Oui je pense qu’il faut l’autoriser, pour plusieurs raisons : la première, c’est qu’à l’heure d’Internet ça n’a plus de sens. On peut avoir des résultats en passant par l’étranger. La deuxième, c’est que c’est à ce moment là que les résultats sont les plus fiables, et on peut avoir des gens qui, à juste titre, se décident en fonction des résultats y compris au dernier moment en disant ‘j’adapte mon vote de façon stratégique en fonction de la façon dont il peut peser ‘. Je pense qu’on pourrait sans trop de difficultés aligner la fermeture de l’ensemble des bureaux de vote sur 20h, sur les bureaux urbains. Cela permettrait à tous les citoyens d’être de nouveau à égalité devant une échéance importante. »

« Tous les Français doivent apprendre les estimations au même moment »

Jean Yves Camus, chercheur associé à l'Iris, politologue, spécialiste des extrémismes en politique, est contre, « et pour deux raisons : la première est juridique. Les derniers bureaux de vote ferment à 20h, d’autres ferment avant sur d’autres parties du territoire. Il me paraît qu’au nom du principe d’égalité tous les Français doivent apprendre les premières estimations à la même heure, de manière à ce que les estimations n’influent pas sur le vote des Français qui votent plus tard. A partir du moment où des estimations sortent avant 20h, on peut estimer, notamment si les résultats étaient extrêmement serrés, s’il y a matière à contentieux, que ça peut léser un candidat. Celui-ci serait fondé à dire qu’à cause de cela, il n’a pas accédé au second tour parce que l’écart qui le sépare de son concurrent est infime, et serait donc privé de second tour parce qu’il y a eu distorsion du vote par la publication de ces estimations avant l’heure de clôture. »

La Rédaction, avec Marie Boule.