Mariage forcé: "Mes parents m'ont dit 'si tu refuses on te renie'"

TÉMOIGNAGE - L’association Voix de femmes a lancé début juillet une campagne de sensibilisation contre le mariage forcé. RMC a rencontré Myriam, française d'origine sénégalaise qui a été mariée de force par ses parents à l'âge de 18 ans.

"C’est ma vie, c’est moi qui choisis". C'est le slogan d'une campagne de sensibilisation contre le mariage forcé lancée début juillet par l’association Voix de femmes. La campagne va durer tout l'été, car la période estivale est propice aux mariages forcés. Il n’existe pas aujourd’hui de statistiques fiables sur le nombre de victimes de mariages forcés en France. L’association Voix de femmes suit 240 femmes déjà mariées ou risquant de l’être. C'est 30 de plus que l’année dernière.

"Le schéma 'classique', ce sont les parents qui planifient des vacances durant l'été dans le pays du mari choisi pour leur fille, raconte Anaëlle Taubiana, responsable de la campagne de prévention de l’association Voix de femmes. La jeune fille pense qu'elle part en vacances et ne se méfie pas. Et arrivé sur place, c'est l'enfer : ça peut être la séquestration, le mariage, le viol…".

"Je suis parti comme on part à l'abattoir"

Un scénario que connaît bien Myriam, qu'a rencontré RMC. Cette française d’origine sénégalaise âgée de 30 ans, a été mariée de force alors qu'elle n'était qu'une adolescente. Alors qu'elle n'a que 15 ans, sa mère lui parle déjà de mariage. "J'ai interprété le discours de ma mère comme une fatalité. Elle me disait : 'de toute les façons ça se fera que tu le veuilles ou non'. Quand vos parents vous disent 'si tu refuses on te renie', qu'est-ce qui vous reste?", raconte-t-elle.

Trois ans plus tard, ses parents organisent des vacances au Sénégal. Myriam sait ce qui l'attend. A l'époque elle a un petit ami, mais n'ose pas dire non à ses parents. "Je suis parti comme on part à l'abattoir. Quand j'arrive sur place, mon futur mari est présent. Il a 12 ans de plus que moi. Et dix jours après, le mariage est célébré. Ce n'est pas un mariage d'amour, c'est un mariage d'intérêt. Je me disais 'je me marie et après je divorce'".

"Le divorce a été prononcé huit ans après le mariage"

Mais les choses ne se passent pas aussi simplement qu'elle l'espère alors. "Le divorce a été prononcé huit ans après le mariage. Je ne pensais pas que cela allait durer aussi longtemps. Huit ans, c'est le temps qu'il faut pour faire un doctorat. Aujourd'hui je serais docteur !", rigole-t-elle. Si aujourd'hui Myriam a le sourire, c'est parce qu'après le divorce, elle s'est finalement mariée avec son premier amour, son petit ami quand elle avait 18 ans.

Des numéros d'urgence

Pour les adolescentes que les parents veulent marier de force, il existe deux numéros d'urgence : le 3919, ou le numéro de SOS mariage forcé : 01-30-31-05-05. Les jeunes filles peuvent également obtenir des informations sur le site stop-mariageforce.fr

Philippe Gri avec Marie de Fournas