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Marine Le Pen est experte… en démagogie

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Marine Le Pen a clôturé hier l’université d’été du FNJ à Fréjus en réaffirmant qu’elle est prête à exercer le pouvoir. Elle a dit que le FN ne fait "pas de différence entre les experts et le peuple puisque les experts, c’est le peuple". Vous lui répondez avec ce parti pris : Marine Le Pen est experte… en démagogie.

Il est rare d’entendre un dirigeant politique assumer à ce point son populisme. Etre populiste, au sens propre, c’est faire croire au peuple qu’il a toujours raison. Marine Le Pen ne le pense pas, bien sûr puisqu’elle s’efforce depuis des mois de montrer qu’elle est entourée d’hommes compétents, d’énarques et d’économistes (dont la plupart restent d’ailleurs invisibles). De fait, on constate tous les jours les dégâts de l’impréparation et de l’amateurisme dans les gouvernements de François Hollande. La vérité, c’est qu’il faut de l’expertise pour gouverner. Et que ce n’est pas la ressource dont le FN est le mieux pourvu…

Donc vous pensez que, quand Marine Le Pen affirme que le FN est prêt à gouverner, même dans le cadre d’une cohabitation, c’est du bluff ?

Que Marine Le Pen rêve d’une dissolution, ça se on comprend : elle y gagnerait des députés (elle n’en a que 2) et en plus, voir un Premier ministre de droite partager le pouvoir avec François Hollande, ce serait l’incarnation de cet "UMPS" qu’elle dénonce sans arrêt. Mais à part ça, quand Marine Le Pen dit que le FN est "prêt à exercer le pouvoir", ça ne veut pas dire qu’il le peut mais qu’il le veut – il en a l’envie, pas le niveau. Le FN est plus un parti de ressentiment qu’un parti de gouvernement – il n’en a ni l’expérience, ni les cadres, ni le projet. Son programme se résume à sortir de l’euro et arrêter l’immigration. Ça en fait peut-être le premier parti de France, mais sûrement le plus primaire de France.

Il n’empêche qu’un sondage vient de donner pour la 1ère fois Marine Le Pen en tête au 1er tour de la présidentielle. Manuel Valls dit que "l’extrême droite est aux portes du pouvoir ". C’est du catastrophisme ?

Ce serait catastrophique, en tout cas. 2017 c’est loin, mais au train où vont les choses, on ne peut plus exclure une accélération – donc il faut prendre ces chiffres au sérieux. Ce que montre ce sondage, c’est surtout le niveau d’exaspération envers le pouvoir actuel (la droite est à un niveau honorable). Ce qui est inédit, c’est que Marine Le Pen battrait François Hollande au 2è tour. De ce point de vue, la position de Manuel Valls est étrange : il parle comme un observateur alors que c’est la déception et la colère de l’électorat populaire qui créent cette situation. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ; si celle du pouvoir s’ouvre à Marine Le Pen, c’est que nos dirigeants ont trop souvent les yeux fermés.

Qu’est-ce qui pourrait faire que le FN cesse de progresser ? On a l’impression que toutes les circonstances lui profitent…

C’est vrai. La crise, les "affaires", la délinquance, tout ce qui avive le ressentiment contre les élites sert le FN et Marine Le Pen en joue – avec cynisme, parce qu’elle n’a aucune vraie solution à ces problèmes. Le FN a l’avantage de n’avoir jamais exercé le pouvoir, mais quand il a dirigé des villes, ça s’est mal terminé – et ce qu’on voit à Hayange, au Pontet ou à Fréjus n’est pas bon signe. C’est cela qu’il faut mettre en avant face au FN : son inexpérience, ses pratiques douteuses qui ne le qualifient pas pour donner des leçons. Il faut l’observer, le critiquer. Ne plus se contenter de lui opposer des anathèmes mais des arguments. Ce n’est pas seulement en criant "à bas le FN" qu’on le fera tomber de haut.

Hervé Gattegno