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Moi, Laurence, alcoolique au travail pendant 15 ans

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TEMOIGNAGE - Selon un sondage BVA pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca) publié ce jeudi, 85% des dirigeants d'entreprises se disent "préoccupés" par les drogues que consomment leurs salariés sur leur lieu de travail. Au premier rang des préoccupations, l'alcool arrive largement en tête.

Pendant 15 ans, Laurence, alors cadre supérieur chez Vinci, s'est alcoolisée au travail. "L'alcool est présent. C'est presque un outil de management. C'est-à-dire que les cadences sont parfois tellement fortes, les pressions aussi, que cet alcool me permettait de tenir le rythme, confie-t-elle. Et je le prenais parce qu'il m'était présenté au repas d'affaires le midi, ou le soir à 17h00 lors d'un pot officiel, plus lors des pots 'clandestins'. L'alcool était donc à portée de main".

C'est finalement lors d'une cérémonie de vœux, début 2008, que Laurence s'effondre. "Il n'y avait quasiment pas de jus de fruits, que du whisky. Je me souviens encore très bien des plateaux qui se baladaient. Il n'y avait quasiment rien à manger. J'ai donc pris la coupe que l'on m'a tendue. Mon corps s'est ensuite jeté sur deux bouteilles mais après je n'ai plus répondu de rien", se rappelle-t-elle.

"On n'est pas seul responsable"

"Bien sûr, je suis responsable. Mais personne ne m'a pris à part pour me dire d'arrêter, regrette-t-elle. Je vais donc m'effondrer en public, ivre". Laurence devra quitter l'entreprise. Une entreprise dont elle déplore aujourd'hui l'attitude: "Il a fallu que je m'effondre pour qu'enfin j'apprenne que mon employeur connaissait mon problème depuis plus d'une année." Et d'ajouter: "Vous imaginez le choc quand le DRH me dit 'De toute façon, tout le monde le savait'. Mais qu'attendait-il pour venir me parler?"

"C'était complètement tabou", assure encore Laurence tout en estimant que "c'est quand même à cause du travail et dans un contexte professionnel que j'ai abusé de l'alcool. Donc on n'est pas seul responsable. Il faut qu'ils le comprennent. Il faire plus de prévention, de repérage". Depuis, Laurence anime des groupes de paroles. Elle vient aussi de commencer une formation pour devenir psychothérapeute-addictologue.

Maxime Ricard avec Aurélia Manoli