Mort de Fidel Castro: "Ce qu’on conservera de lui ne sera pas cette image fausse d’un dictateur"

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"Tout le monde partage le constat que c’est un monument du 20e siècle qui disparaît, quelle que soit l’appréciation qu’on peut avoir sur lui. Ensuite, pour moi, Fidel Castro c’est avant tout le libérateur du peuple cubain, qui était soumis à la dictature de Batista au service des américains. Et enfin, à partir de 1959, ce qui est remarquable, c’est la détermination du gouvernement et du peuple cubain à l’acharnement des Etats-Unis de faire échouer la révolution.
Quand je parle de Castro, je m’attache beaucoup au contexte: une île de 11 millions d’habitants, à 150km de la Floride, il faut mesurer ce que c’est. Ensuite, une violence extrême des Etats-Unis pour essayer de renverser le régime. Des centaines de tentatives d’assassinat contre Fidel Castro, un blocus économique qui a eu des conséquences terribles, et qui continue, contrairement à ce qu’on dit. Enfin, des dizaines de millions de dollars déversés pour la guerre médiatique et idéologique.
"Un acharnement des Etats Unis à faire échouer la révolution"
La révolution n’a jamais été interrompu parce qu’il y avait cet acharnement des Etats Unis à la faire échouer. Beaucoup de commentateurs passent l’éponge là-dessus et ne mesurent pas la gravité de cette violence. Je tiens à rappeler la politique extrêmement sociale mise en œuvre, la politique de la santé, la politique d’éducation, la politique de la culture, qui a fait référence pour des millions de déshérités dans le monde.
"S’il n’y avait pas eu ces atteintes aux libertés, le régime se serait effondré très rapidement"
Je trouve les propos qui sont tenus plutôt outranciers. On peut faire des constats sur les opposants qui n’ont pas pu s’exprimer, voire qui ont été jetés en prison. Mais on ne peut pas faire un simple constat sur les droits de l’homme en le sortant d’un contexte de guerre idéologique, médiatique, économique avec le voisin américain. S’il n’y avait pas eu cette rigueur, ces atteintes aux libertés, le régime se serait effondré très rapidement.
Il n’y a pas seulement l’idéal d’une société nouvelle. Il y a aussi pour beaucoup le fait que Cuba symbolise la force de la résistance face au rouleau compresseur qu’est l’impérialisme américain. Et c’est ça Fidel Castro. Je ne dis pas que c’est le paradis, qu’il faut tout excuser. Je dis qu’on ne peut pas tenir ces propos très outranciers sans prendre ça en compte.
Cela fait 10 ans que Fidel Castro a passé le manche, la page a été tournée. Il avait cette image d’icône. Sa mort ne bouleversera pas les changements politiques qui ont commencé. Mais cette image de dictateur qui pour moi est contraire à la réalité, c'est un raccourci. Pour moi ce n’était pas un dictateur, il y avait une forme de démocratie qu’on n’arrive pas à saisir. Les propos tenus sur lui vont disparaître, et on conservera l’image, qui à mon avis est la bonne, du Fidel Castro libérateur, déterminé dans sa résistance au rouleau compresseur américain. Et absolument pas cette image fausse d’un dictateur."