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Ce n'est pas Polanski qu'il faut plaindre, ce sont les femmes qui ont subi des viols

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Le réalisateur Roman Polanski a finalement renoncé ce mardi à présider la cérémonie des César, le 24 février prochain. Une nomination qui avait déclenché la colère des associations féministes. Alice Coffin, membre de l'association féministe La Barbe, fait part sur RMC.fr de sa colère contre l'Académie des César et le monde du cinéma, dont elle dénonce le machisme.

"C'est une très bonne nouvelle qu'il ne soit pas président de cette cérémonie. Roman Polanski fait preuve de lucidité face à la mobilisation féministe. Mais cela aurait été bien que cette lucidité arrive plus vite et que, de lui-même, il s'abstienne (au moment où on lui a proposé de présider la cérémonie). Cela aurait été bien aussi que l'Académie des César se dise que ça n'allait pas passer. Que ses membres n'aient pas eu cette lucidité avant est révélateur.

Ce mec a eu tous les honneurs, toute sa vie. Il a réalisé tous les films qu'il voulait, a été ultra récompensé, quel besoin y avait-il à le nommer président de la cérémonie? En le défendant, son avocat inverse la charge, et c'est très symptomatique: la victime devient Roman Polanski. Mais ce n'est pas lui qu'il faut plaindre, ce sont les femmes qui ont subi des viols et qui voient leur douleur réveillée. Encore une fois, les agresseurs s'en sortent: non seulement ils peuvent échapper à la justice, mais en plus on les célèbre. On appelle à une prise de conscience de l'Académie.

"Ce n'est pas Polanski qu'il faut plaindre, mais les victimes de viols"

D'ailleurs la mobilisation de La Barbe et des autres associations féministes était portée moins contre Polanski, que contre le choix de l'Académie. Ils avaient un éventail très large de personnalité et n'avaient pas besoin de choisir Polanski. Ils savaient très bien que cela allait provoquer la colère des féministes, mais c'était une façon de dire: 'nous sommes les plus forts, nous sommes au-dessus de l'opinion publique et nous pouvons imposer ce choix-là'. C'était contre eux qu'était dirigée la mobilisation.

Nous déplorons aussi l'attitude des professionnels du 7e art sur tout ce qui touche au droit des femmes et au sexisme dont ils peuvent faire preuves. Les rares réactions du milieu du cinéma ont été en faveur de Polanski: le réalisateur Vincent Maraval qui nous a traité de 'petites pleureuses sur Twitter', ou le comédien Gilles Lellouche (qui a dénoncé dans Le Parisien "ceux qui aboient avec la meute").

"Dans le cinéma, ce sont les hommes qui décident"

La Barbe avait déjà lancée une tribune en 2012 contre le festival de Cannes, lorsque le comité de sélection n'avait choisi que des films réalisés par des hommes. Le cinéma est un monde où ce sont les hommes qui décident. Ça fait 40 ans que l'Académie des César existe, et pendant 38 ans ce sont des hommes qui ont été présidents. Les décideurs du cinéma sont très masculins. C'est un problème récurrent, c'est pour ça qu'au-delà de Polanski, nous appelons à une vraie prise de conscience.

Au-delà du cinéma, nous avons en France un vrai problème de protection voire de célébration des agresseurs sexuels. Récemment, on a Polanski, on a Jean-Michel Baylet qui a fait l'objet d'enquêtes qui ont démontré qu'il avait agressé une collaboratrice ("l'instruction judiciaire a été classé sans suite", s'est défendue Jean-Michel Baylet, NDR), on a Denis Baupin qui est toujours député, et il y a eu un soutien de l'ensemble de la classe politique à DSK".

Propos recueillis par Philippe Gril