Des "Bronzés" aux cinq étoiles: Henri Giscard d'Estaing, artisan de la montée en gamme du Club Med

Patron du Club Med pendant plus de vingt ans, Henri Giscard d'Estaing, 68 ans, révoqué mercredi, a été l'artisan de la montée en gamme du pionnier des villages vacances qui pèse aujourd'hui plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Né le 17 octobre 1956 à Paris, l'aîné des deux fils de l'ancien président de la République française Valéry Giscard d'Estaing avait été propulsé directeur général du Club Med en octobre 2001, officiellement pour combattre la crise née des attentats du 11 septembre.
Après avoir rejoint le Club Med en 1997 comme directeur adjoint chargé des finances et du développement, il a pris au fil des années une place grandissante dans le groupe, jusqu'à en devenir le PDG en 2002.
"Il fait partie de ces patrons très politiques"
Diplômé de Sciences Po et titulaire d'une maîtrise de sciences économiques, M. Giscard d'Estaing a débuté sa carrière au sein de l'institut d'études Cofremca avant de passer dix ans chez Danone. Il a ainsi occupé le poste de directeur général d'Evian (1992-1994) avant de prendre la tête de l'ensemble de la branche eaux minérales de Danone.
Tenté très jeune par une carrière politique, HGE s'était promis d'être député avant 30 ans avant de renoncer à entrer dans l'arène. Il a été cependant conseiller général du Loir-et-Cher de 1979 à 1992.
"Il fait partie de ces patrons très politiques, il n'a pas de secrétaire mais un directeur de cabinet, il fonctionne comme dans les grands corps d'Etat", raconte Jean-Jacques Manceau, journaliste auteur de plusieurs livres sur le Club Med (Le Club Med, réinventer la machine à rêves, Les batailles du trident).
"Quelque part il a trouvé sa place de président, en faisant quelque chose de complètement différent de ce que faisait son père, en étant l'interlocuteur des chefs d'Etat mais au niveau touristique", estime-t-il.
Même haute silhouette que son père et même diction atypique, HGE a initié la montée en gamme du Club Med, qui compte aujourd'hui 1,5 million de clients dans le monde. "Arriver à faire ce qu'a fait cette marque sur tous les continents en étant une petite entreprise et avec un tel rayonnement, je dis chapeau M. Giscard d'Estaing", salue Didier Arino de Protourisme, expert du secteur.
Succession
Côté syndical, Christian Juyaux de la CFDT, ancien secrétaire du comité européen de dialogue social du Club Med, qui a connu tous les PDG depuis les fondateurs Trigano, reconnaît que "Henri Giscard d'Estaing a un mérite, si le Club Med existe encore aujourd'hui, c'est en partie grâce à lui".
"Quand on a commencé à avoir des difficultés financières dans les années 2000, il y a eu deux visions: celle de Philippe Bourguignon qui était de faire du Club Med toute l'année, avec notamment les clubs de sport, et celle de Giscard d'Estaing, la montée en gamme", raconte-t-il à l'AFP.
"L'idée c'était de développer le +Top 4+, la clientèle des 4% les plus riches du monde. Il a fait ça pendant 10 ans et on est passé de 123 villages à une cinquantaine", poursuit-il.
"Les imitations du Club Med, le +all inclusive+, avaient failli le tuer avant les années 2000. Comme le Club était encore positionné sur le moyen de gamme, c'était une concurrence redoutable. Aujourd'hui, on a changé de situation et on est le meilleur rapport qualité/prix du haut de gamme", retrace le dirigeant sortant à l'AFP.
"Je le dis toujours, quand on est imité, c'est qu'on a du succès, qu'on est bon", estime-t-il. "Personne n'y a cru à sa montée en gamme, le Club Med, c'étaient les Bronzés, mais pendant 15 ans, il a tenu et jamais changé d'un iota. C'est quelqu'un de droit, qui a des convictions, qui peut être aussi très dur", souligne Jean-Jacques Manceau.
Ces derniers mois, la question de sa succession à la tête du Club s'est posée à plusieurs reprises, sur fond de désaccord avec l'actionnaire chinois Fosun et de questions de limite d'âge.
"Henri a toujours voulu mener la danse au niveau des actionnaires, c'est lui qui a choisi les Chinois de Fosun face aux Italiens", assure M. Manceau, en référence à l'OPA épique qui a vu arriver Fosun au capital en 2015. Henry Giscard d'Estaing est marié et père de trois enfants.