Grogne des surveillants: "Ça peut plus ou moins dégénérer à tout moment"

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Dès ce samedi matin, 6h45, le syndicat FO-Pénitentiaire a appelé les surveillants à "déposer les clés". C'est-à-dire, à mettre à l'arrêt les établissements pénitentiaires, notamment à Fleury Mérogis, plus grande prison d'Europe.
Une mesure ultime déjà mise en œuvre vendredi à la prison de Borgo en Haute-Corse, théâtre d'une nouvelle agression contre deux surveillants, dont les jours ne sont pas en danger. Ces deux gardiens ont été blessés par un détenu signalé pour radicalisation.
Pour Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat FO-Pénitentiaire, cet appel au "dépôt de clés" est le seul moyen de pression en leur possession.
"On demande à ce que les agents restent à l’extérieur et ne prennent pas leur service. Ils ne prendront pas les clés qui ouvrent les cellules et les grilles. C’est-à-dire que les portes ne sont pas ouvertes et il n’y aura donc ni douches, ni promenades, ni parloirs. Le but c’est de faire ce qui s’était fait il y a 30 ans. Que ce soit les forces mobiles qui rentrent à l’intérieur des prisons et s’occupent des détenus. Il va quand même falloir gérer parce qu’il faut qu’ils mangent, on ne va pas les laisser sans manger. Il y a 30 ans je vous dis, on avait fait rentrer les forces de l’ordre et c’est elles qui géraient la détention. En faisant ça, vous vous mettez forcément en danger puisque vous risquez d’être licencié mais malheureusement, il faut bien qu’on arrive à trouver un moyen de pression."
"Tout est prétexte à allumer la mèche"
Cela fait 20 ans que Grégory est surveillant à Fleury Mérogis. Et il le sait, en détention, il faut être vigilant en permanence. "Ça peut plus ou moins dégénérer à tout moment. Après un mauvais parloir, un problème de cantine, la télé qui ne fonctionne pas… Tout est prétexte à allumer la mèche."
Mais ce n'est souvent pas la force qui permet de régler les situations critiques. "C’est l’humain. Il faut connaitre les détenus autant qu’on le peut, discuter avec eux. J’ai solutionner plus de problèmes avec des mots réconfortants. On fait ça tous les jours."
Il l'affirme, la peur est bien présente mais ne domine pas son quotidien. "Dans 99% des cas ça se passe bien. On ne se fait pas agresser tous les jours, il faut être honnête. Mais quand ça part, ça part très vite et très fort et c’est vrai que c’est de plus en plus difficile parce qu’on nous demande pas mal de choses." Il espère qu'avec la mobilisation actuelle, il pourra exercer son métier dans de meilleures conditions.
"70 000 détenus pour 60 000 places"
Pour Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et invitée de BFMTV vendredi soir, ce mouvement de blocage est sans surprise compte tenu de l'état dans lesquelles travaillent aujourd'hui les gardiens.
"Il y a tous les ingrédients pour qu’une crise aussi importante explose. Ça fait longtemps qu’on est nombreux à le dire. Moi je le dis de là où je suis. La surpopulation pénale, 70 000 détenus pour 60 000 places, le nombre de surveillants a baissé, la gestion difficile et complexe des détenus radicalisés. C’est un phénomène qui va monter en puissance avec des pouvoirs publics qui ne savent pas très bien quoi faire, il faut le reconnaître. Tous ces facteurs de tension, d’incompréhension, de surpopulation créent ce qui est en train de se passer."