Plainte après le décès suspect d'un patient: "On l'a laissé s'étouffer petit à petit pendant six heures"
Y-a-t-il eu erreur médicale à l'hôpital de Marmande (Lot-et-Garonne) après le décès d'un patient en mai 2014? Un couple de Bordelais attaque en justice l'établissement de santé après le décès de leurs fils, âgé de 32 ans. Le 18 mai 2014, Sébastien Delporge est conduit à l’hôpital de Marmande en début de soirée après une chute de vélo. Ce Girondin était parti faire du "ride bike" avec un ami, une discipline qui consiste à franchir des parcours de bosses et de rampes. Après un saut, il fait une mauvaise chute et perd connaissance quelques secondes.
"Il ne pouvait pas mourir comme ça"
Son ami alerte les pompiers et Sébastien est admis à 19h30 à l'hôpital pour une fracture du nez et un possible traumatisme crânien. A 1h45, son décès est constaté après un arrêt cardiaque. Alors que le jeune homme s'était plaint pendant des heures d'une boule à la gorge, ses parents et sa compagne viennent de déposer une plainte pour homicide involontaire auprès du tribunal de grande instance d’Agen, rapport de médecins externes à l’appui.
"Mon fils était militaire engagé pendant cinq ans. Il est allé sur des territoires en guerre. Il aurait pu mourir là-bas. Au moins, il serait mort avec honneur. Là, on l'a laissé s'étouffer petit à petit pendant six heures trente, déplore, avec émotion, Alain Delforge, le père de Sébastien. Aujourd'hui, on veut me faire croire qu'en 2014 des spécialistes de l'urgence ne sont pas capables de poser une trachéotomie. Il ne pouvait pas mourir comme ça, ce n'est pas possible !"
"Il n'avait aucune chance"
Il demande donc à ce que l’hôpital et les médecins présents cette nuit-là soient reconnus coupables "d’erreurs grossières commises", comme le stipule le rapport de l’expertise conduit par deux médecins de l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine). "Nous devons nous battre pour que ça n'arrive plus, déclare encore, attristé, ce père de famille. Ou alors, s'ils ne se sentent plus capables de sauver des vies qu'ils changent de métier. Peut-être qu'ils en sauveront là…"
De son côté, Alison Malant, la compagne de Sébastien et mère de ses deux enfants, estime qu'"il n'avait aucune chance. Dès qu'il a mis un pied dans cet hôpital-là, il était mort". "Si je me bats aujourd'hui, ce n'est pas par vengeance, c'est pour Sébastien. Pour qu'on reconnaisse ce qu'ils n'ont pas fait", souligne-t-elle. Et d'indiquer qu'elle espère que cette procédure lui permettra de déculpabiliser: "Ce combat pourra en même temps peut-être nous aider car on culpabilise. On m'a dit de ne pas venir. On m'a dit qu'il était entre de bonnes mains, dans un service d'urgence. Je ne m'attendais donc pas à avoir un médecin au téléphone, en pleine nuit, me dire que mon conjoint avait fait un arrêt cardiaque".
Rappel des faits:
Ce soir-là, de 19h30 à minuit, Sébastien Delporge ne cesse de signaler aux équipes soignantes son mal de gorge, sa difficulté à respirer et à déglutir. La situation s’aggrave et une trachéotomie est envisagée. Seulement, aucun médecin sur place ne veut tenter l’intervention vitale. Seul l’hôpital de Bordeaux accepte de le recevoir à condition de lui faire une petite intervention pour lui permettre de respirer pendant le trajet. C’est à ce moment-là que Sébastien meurt. Il est 1h45.
Rapidement, la famille découvre qu’un radiologue avait bien détecté un œdème dans la gorge de Sébastien, dès son arrivée à l’hôpital. Mais le médecin s’en est rappelé trop tard. Suite au décès, deux experts médicaux de la région parisienne sont rapidement mandatés pour savoir exactement ce qu’il s’est passé. Ils viennent de rendre leur rapport, lapidaire: cette nuit-là, des erreurs grossières ont été commises.