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Affaire Omar Raddad: 30 ans après, pourquoi la défense dépose une demande en révision?

"EXPLIQUEZ-NOUS" - Le jardinier marocain condamné pour le meurtre de Guislaine Marchal en 1991 espère obtenir un nouveau procès, grâce à de nouvelles analyses ADN.

Cette nouvelle demande de révision n’est pas déposée ce jeudi par hasard: le corps Ghislaine Marchal avait été retrouvé dans la cave de sa maison à Mougin le 24 juin 1991. Nous sommes le 24 juin 2021, cela fait donc exactement 30 ans aujourd’hui.

La mort de cette riche héritière avait aussitôt fait la une des journaux à cause de deux inscriptions retrouvées dans la cave: “Omar m'a tuer”, E.R, avec une faute d'orthographe donc, puis sur une autre porte: ”Omar m’a T”. Comme si la vieille dame n’avait pas eu la force de finir sa deuxième phrase accusatrice.

Omar, c'était le nom de son jardinier, un Marocain parlant à peine français. Il n’avait pas d’alibi, il a toujours clamé son innocence, mais il sera finalement jugé trois ans après en 1994.

Nicolas Poincaré raconte sur RMC: "J’ai interrogé des journalistes qui ont assisté au procès. Ils m’ont raconté qu’Omar Raddad s’était très mal défendu. Mais surtout qu’il avait très mal été défendu par son avocat, le célèbre ténor Jacques Verges. Après la condamnation, il a politisé le débat, a comparé Omar Raddad au capitaine Dreyfus, mais à l’audience, il n’a été ni efficace, ni convainquant". Et le jardinier a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle.

Condamné uniquement sur la base des accusations écrites en lettres de sang: “Omar m’a tuer”. Il n’y avait aucun autre élément à charge contre lui.

Quels sont les nouveaux éléments qui pourraient permettre une réouverture du dossier?

Ce sont des analyses ADN, mais en réalité pas vraiment nouvelles. En 2014, la défense d’Omar Raddad a commandé une expertise ADN au docteur Olivier Pascal de Nantes. Cet expert réputé à rééxaminé les deux portes avec les inscriptions : “Omar m’a tuer” et “Omar m’a t”… Sur la seconde, il a trouvé 30 traces d’un ADN masculin, inconnu, mélangé au sang de Ghislaine Marchal. Et trois fois ce même ADN entre les doigts de la victime, comme si quelqu’un lui avait tenu la main pour écrire cette dénonciation.

Tout cela a été écrit dans le rapport du docteur Pascal en 2015, mais dans des termes bien plus scientifiques et compliqués que le grossier résumé que je viens de faire. Si bien que ni le parquet de Nice, ni l’avocate d’Omar Raddad n’ont tout de suite compris la portée de ce rapport. Et on a clos le dossier une nouvelle fois.

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Finalement ce n’est qu’en 2019 qu’un nouvel expert s’est repenché sur ces ADN et il est arrivé à la même conclusion. Sauf que lui l’a exprimé plus clairement. Il y a un ADN masculin que l’on trouve à la fin de chaque lettre, qui ne peut pas être là par accident, qui est donc sans doute l’ADN de celui qui a écrit “Omar m’a tué”. Et naturellement, cet ADN n’est pas celui d’Omar Raddad.

L’existence de ce deuxième rapport de 2019, a été révélée par “Le Monde", lundi dernier. Et c’est sur cette base que la défense dépose ce jeudi une demande de révision.

Qu’est devenu Omar Raddad?

Incarcéré en 1991, condamné à 18 ans en 1994, il obtient une grâce partielle en 1996. Jacques Chirac a annulé presque cinq ans de sa peine, à la demande du roi du Maroc et en échange de la libération d’un Français détenu au Maroc. Omar Raddad est encore resté deux ans en prison, puis il a été libéré en 1998, puisqu’il avait effectué la moitié de sa peine.

Aujourd’hui, il a 59 ans, il ne travaille plus. Il vit à Toulon dans un modeste appartement et sort très peu, parce qu’il est constamment importuné dans la rue. Son fils Karim, 34 ans, est très présent à ses côtés. Il l’aide à traduire les pièces du dossier. Le père et le fils, n’ont jamais perdu l’espoir d'être, un jour, innocentés.

Nicolas Poincaré