Attentats du 13 novembre: "Des victimes qui pensaient aller bien viennent maintenant nous voir"
Ils pensaient que ça allait, qu'ils pouvaient continuer à vivre comme avant. Mais ils ont finalement été rattrapés par l'horreur de ce qu'ils ont vécu le 13 novembre au Bataclan, dans les cafés de Paris visés par les terroristes ou même au Stade de France. C'était il y a cinq semaines. Les images, les sons ou les odeurs qui reviennent en boucle, qui empêchent de dormir, qu'on n'arrive plus à maîtriser, cette culpabilité tenace qui augmente. Alors, on se décide, finalement, à consulter des psychiatres ou des psychologues pour se faire aider.
"Des scènes vécues qui repassent en boucle"
Frédéric Khidichian, psychiatre, chef du pôle Paris-centre (qui regroupe les structures hospitalières des 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements), a reçu des victimes des attentats et il continue à en recevoir, cinq semaines après. "Ce n'est pas étonnant après un traumatisme de cet ampleur, explique-t-il chez Jean-Jacques Bourdin ce vendredi. Tous ceux qui en ont été victimes ressentent des symptômes. Ce sont des peurs à fréquenter certains lieux, comme les transports en commun, des difficultés à dormir, des cauchemars, une reviviscence des scènes vécues qui repassent en boucle et dont les personnes aimeraient se débarrasser".
"On va ressentir des semaines après des signes"
C'est ce que l'on appelle des "troubles différés", explique dans Le Monde Nicolas Dantchev, responsable du service de psychiatrie de l’Hôtel-Dieu, qui accueille un centre de consultation médico-psychologique d’urgence pour les victimes des attentats de Paris. Des signaux qui peuvent apparaître jusqu'à trois mois après le choc. "C'est logique, dans toutes les formes de traumatismes et dès que l'on a été présent dans ce type d'attentats effroyables, on va ressentir des semaines après des signes, comme des cauchemars, des idées qui reviennent par rapport aux scènes qu'ils ont vécues", explique Frédéric Khidichian. Et surtout, un grand sentiment de culpabilité, majoritairement présent chez les victimes venues le consulter.
"Il faut absolument que ces personnes soient suivies"
"Il faut absolument que ces personnes soient suivies", exhorte le psychiatre. "On leur conseille d'avoir un référent psychologue ou psychiatre qui puisse les contacter à trois mois, six mois ou un an. Car, quand bien même elles s'en défendent, il peut y avoir des signes chez les victimes qui apparaissent plus tard, des signes qu'elles ne veulent pas reconnaître. Nous pouvons les aider pour éviter que ces signes se fixent à vie et les fasse souffrir". Les victimes n'oublieront jamais ce qu'il s'est passé le 13 novembre, "les scènes vécues seront gravées à vie dans leur tête", mais être suivies leur permettra de "pouvoir vivre sans en souffrir".
Depuis le 13 novembre, le service psychiatrique de Frédéric Khidichian a délivré 800 certificats médico-psychiatriques qui vont permettre à toutes ces personnes de bénéficier du fonds d’indemnisation des victimes d’attentats.