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Police-Justice

"C'est extrêmement grave de limiter ce droit": la loi "sur la sécurité globale" qui pourrait encadrer la prise d'images de policiers arrive à l'Assemblée

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La proposition de loi sur la "sécurité globale" examinée à l’Assemblée Nationale. Le texte projette d'interdire la diffusion, dans certaines circonstances, d'images qui permettraient d’identifier les forces de l'ordre.

1er décembre 2018 à Paris, une trentaine de "gilets jaunes" se réfugient dans un fast-food près des Champs-Elysées. Des CRS entrent et les matraquent. La scène est filmée. Quatre CRS sont mis en examen, notamment pour avoir donné 27 coups de matraque à un manifestant. Le 3 janvier 2020, Cédric Chouviat meurt après un malaise cardiaque pendant un contrôle. Des vidéos permettent de reconstituer la scène. Trois policiers sont cette fois mis en examen.

Mais dès ce mardi, la proposition de loi sur la "sécurité globale" est examinée à l'Assemblée Nationale. Et ce texte projette d'interdire la diffusion, dans certaines circonstances, d'images permettant d'identifier les forces de l'ordre. Il prévoit de punir d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende le fait de diffuser "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" d'un policier ou d'un gendarme en intervention, dans le but de porter atteinte à son "intégrité physique ou psychique".

Pour les syndicats de journalistes et plusieurs ONG de défense des droits de l'homme, le texte (et son interprétation) pourrait rendre impossible le fait de filmer en direct des forces de l'ordre en action.

"On pourra toujours filmer les actions de police"

Anne Sophie Simpere, chargée de plaidoyer à Amnesty International, juge ces vidéos fondamentales: "Dans le travail d’Amnesty International on s’en sert toujours et partout pour documenter les violations des droits humains par les forces de l’ordre en France et dans d’autres pays. Et elles sont importantes pour la justice puisqu’elles ont permis aux parquets d’ouvrir un certain nombre d’enquête. Pour nous c’est extrêmement grave de limiter aussi drastiquement ce droit".

Mais Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers, la proposition de loi est là avant tout pour protéger les policiers: "On pourra toujours filmer les actions de police qu’elles soient légitimes ou tendancieuse, l’administration fera ensuite son travail. Ce que nous ne voulons pas c’est que les visages des policiers soient exposés de manière malveillante pour qu’ils soient l’objet de représailles".

Le ministre de l'Intérieur souhaite que les visages des fonctionnaires soient "floutés". Les ONG rappellent que cela demande des compétences techniques et reviendrait à dissuader les manifestants de filmer.

Rémi Ink (avec Guillaume Dussourt)