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Police-Justice

Des courses "presque gratuites": trois hôtesses de caisse condamnées à de la prison avec sursis

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Elles décrivent un "engrenage": lundi, trois hôtesses de caisse ont été condamnées pour avoir volontairement omis de scanner des articles de leurs proches. Le préjudice est estimé à plusieurs dizaines de milliers d'euros.

Trois hôtesses de caisse de l'Intermarché de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) étaient jugées ce lundi pour du vol. En caisse, leur technique était simple: elles ne flashaient pas tous les articles de leurs proches, repassant des caddies remplis à des tickets de caisse dérisoires.

En mars 2022, une cliente passe à la caisse de l’Intermarché, mais pas n'importe quelle caisse. Derrière le tapis roulant, c’est sa sœur qui passe ses articles devant la machine. Ce jour-là, l'hôtesse de caisse a une idée. Elle ne flashe que deux des trois articles de sa sœur. En effet, dans les "bips", la manœuvre passe inaperçue et sa sœur repart avec un ticket de caisse un peu plus léger. Personne ne se rend compte de la supercherie.

Alors elle recommence. D’abord avec la famille, les amis, puis les amis d’amis. "Je l’ai fait une fois, j’ai vu que ça avait marché. Après, je me suis laissée porter par l’adrénaline, je n’aurais jamais dû faire ça", explique cette jeune femme blonde à la barre, très émue. 

"Je me suis laissée tenter"

Ses deux anciennes collègues connaissaient le stratagème. Elles en avaient même profité avant d’être embauchées dans l’intermarché de Loos-en-Gohelle.

"Au début j’avais trop peur, je ne faisais passer personne à ma caisse, explique l’une d’entre elle. Mais en juin, j’ai eu des pertes de revenus, financièrement c’était très compliqué avec les enfants, alors je me suis laissée tenter, pour de l’alimentaire, et pour pouvoir faire plaisir aux petits." Dans les courses de ses amis, de sa famille, elle demande à chaque fois de glisser des jouets et elle ne les comptait jamais.

Si cette jeune femme évoque bien des problèmes financiers, les trois caissières volent plus "par opportunité" et "pour faire plaisir" à leur famille, et à leurs connaissances. En soi, être une forme de "bonne fée", selon les mots de la présidente.  

Des dizaines de produits retrouvés en perquisition

Elles aussi en profitent. Elles envoient à leurs proches des listes de courses, à joindre aux leurs. Une fois en caisse, la moitié des articles disparaissent du ticket, alors c’est comme ça que l’oncle de l’une lui prend un aspirateur, un autre membre de sa famille, une machine à café. Une autre organise carrément le baptême de sa petite fille grâce à ces courses par procuration.

La présidente énumère des dizaines de boissons, packs de bières, de sodas, d’alcool fort, champagne, et autres jus de fruits, retrouvés en perquisition chez elle. "On n’est pas sur Robin des bois, là, on ne vole pas pour se nourrir: il y a de quoi organiser un banquet pour 300 personnes !", s’exclame la juge. "On n’avait peut-être pas besoin de tout", souffle cette jeune femme de 23 ans, enceinte.  

Un engrenage 

Le problème c'est qu'une fois commencé, impossible d’arrêter: "C’est le piège qui se referme, une machine infernale", selon l’avocate de l’une des anciennes caissières. "On en parlait, on avait de plus en plus peur", affirme l’une. "Je me sentais dans l’obligation de le faire: comme ma collègue me passait mes courses à moi, je devais passer les courses de sa famille."  

C’est bien cet "engrenage" qui pose aussi question au procureur. "Auraient-elles vraiment été stoppées seules, sans intervention de l’employeur ?". Rien ne le montre. Il évoque aussi la notion de "confiance", de "probité".

"Ces faits ont quelque chose de choquant" estime le procureur, puisqu'elles "n’avaient rien à reprocher à leur employeur".

Un préjudice difficilement quantifiable

Quand elles sont dénoncées, le directeur de l’Intermarché met fin aux contrats des trois hôtesses de caisse. Les clients favorisés sont retrouvés pour être jugés. Le compagnon de l’une des prévenues, un policier, est suspendu. "On a tout perdu",souffle-t-elle.  Aujourd’hui, toutes les trois sont sans emploi. 

Mais à la fin, il reste la facture. Avec un préjudice "énorme", "colossal", selon l’avocat du magasin Intermarché. 16 000 pour le seul mois d’octobre, alors que les faits durent depuis mars 2022 et l’estimation n’est pas terminée.  

Le procureur a requis 12 mois de prison pour l’instigatrice du stratagème, et 4 pour les deux autres. Elles ont finalement écopé de 10 et 6 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende.

Lucile Pascanet