Evasion de Redoine Faïd par hélicoptère: pourquoi c’est un procès exceptionnel

Le procès de Redoine Faïd s’est ouvert ce mardi à Paris. Il est jugé aux assises pour son évasion par hélicoptère en 2018 de la prison de Réau (Seine-et-Marne). Et c’est un procès hors norme parce qu’il va durer sept semaines et qu’il se tiendra sous très haute surveillance. Redoine Faïd est en effet le prisonnier le plus surveillé de France. Il est un des rares à avoir réussi deux évasions et tout est fait pour qu’il ne réussisse jamais une troisième.

C’est aussi un détenu médiatique qui a fait le tour des plateaux télés. En 2010, il avait raconté sa vie dans un livre. Ses premiers braquages alors qu’il était encore au lycée en terminale, des attaques de fourgon blindé, et comment il s’est construit une légende en réalisant des braquages qui étaient des copiés-collés de scènes de grands films américains. Il lui est même arrivé d'écrire à un réalisateur pour lui dire à quel point son film l’avait inspiré…
En 2010, il vient de purger 10 ans de prison, et il écrit ce livre pour dire que c’est terminé, que jamais plus il ne sortira du droit chemin. Comme beaucoup d’autres journalistes, je l’avais interviewé à l’époque. Je lui avais demandé s’il se voyait vraiment exercer un petit boulot et vivre avec le Smic. Les yeux dans les yeux, il m’avait répondu: "Bien sûr". Il était très convaincant, beau parleur, intelligent. Je l’avais trouvé très sympathique.
Sauf qu'à ce moment-là, en fait, il préparait un braquage… Un braquage qui a eu lieu juste après et qui a mal tourné. Il y a eu une fusillade qui a coûté la vie à une jeune policière municipale, Aurélie Fouquet. Il n'était pas sur place, mais il a été considéré comme l’organisateur et condamné à 25 ans de prison.
Et ce n’est que quelques semaines après cette condamnation qu’il a réussi sa spectaculaire évasion en hélicoptère. Trois de ses complices ont pris en otage un pilote d'hélicoptère, qui est venu se placer en vol stationnaire à un mètre du sol dans la cour d’honneur de la prison de Réau. En 7 minutes et 30 secondes, un complice a réussi à ouvrir toutes les portes avec une disqueuse thermique, jusqu'au parloir où Redoine Faïd recevait la visite de son frère. Et le prisonnier et ses complices ont réussi à repartir en hélico.
En prison jusqu’à 84 ans?
Il sera finalement arrêté trois mois plus tard à Creil, sa ville d’origine. Et il comparaît aujourd’hui en compagnie de cinq membres de sa famille, des frères et des neveux accusés d’avoir été dans l'hélico ou de l’avoir aidé dans la préparation et la cavale.
Redoine Faïd risque la perpétuité, pour association de malfaiteur, prise d’otage et évasion. Mais en réalité, ces peines pourraient être confondues avec celles qu’il purge déjà. Sauf une: sa condamnation pour évasion, parce que pour ce crime, il n’y a ni remise de peine, ni confusion de peine. Ce qu’il risque principalement, c’est donc 10 ans de prison de plus. Aujourd’hui, il est libérable au 1er septembre 2046. Après ce procès, il risque de ne pas pouvoir espérer une libération avant 2056. Il a 51 ans, il en aura donc 84…
Ce procès, il voudrait donc en faire celui des très, très longues peines et de conditions de détention. Depuis 10 ans, il est à l’isolement, coupé de tout contact avec d’autres détenus. Il ne sort de sa cellule que menotté. Il ne reçoit sa famille au parloir qu'à travers une vitre. Même Salah Abdeslam avait obtenu le droit d’avoir des parloirs sans séparation vitrée. Redoine Faïd dénonce ces conditions d'enfermement dans un livre de correspondance avec la journaliste Plana Radenovic. Il appelle ça "l'enfer gris". Et ce qu’il décrit est effectivement un enfer…