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Procès du tueur de DRH: "S'il s’exprime pour salir ses victimes, mieux vaut qu’il se taise"

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Gabriel Fortin, un ingénieur de 48 ans au chômage à qui la justice reproche les assassinats d’une salariée Pôle emploi et de deux DRH, ainsi que la tentative d’assassinat d’un troisième responsable de ressources humaines, est jugé à partir de ce mardi pendant trois semaines aux assises de Valence, où il encourt la prison à perpétuité. Alors qu'il se tait depuis plus de deux ans, va-t-il enfin parler à son procès? Le fils de sa dernière victime, Augustin Caclin, témoigne au micro de RMC.

"Si Gabriel Fortin s’exprime pour tenter de justifier ce qu'il a fait, ou pour mentir ou salir la mémoire des personnes à qui il a pu faire du mal, peut-être qu'il vaut mieux qu'il se taise", explique Augustin Caclin, tout juste 18 ans. Ce lycéen en avait 15 quand sa mère Géraldine Caclin a été tuée par Gabriel Fortin le 28 janvier 2021 dans son bureau de DRH, à Guilherand-Granges, en Ardèche. C’est la dernière victime de Gabriel Fortin. Avant l'ouverture du procès ce mardi aux assises de Valence (Drôme) de celui que la presse a surnommé le "tueur de DRH", Augustin Caclin n’attend pas grand-chose de l’accusé: "Je pense que ses actes sont tellement éloquents. Les témoignages des personnes autour des proches des différentes victimes aussi, pour qu'on puisse difficilement dire que ces gens avaient mérité ce qui leur arrivait."

Un périple meurtrier

La crainte qui anime Augustin, c’est qu’on puisse laisser entendre que sa mère est en partie responsable de son assassinat. Elle qui a licencié Gabriel Fortin pour faute, une veille de Noël, en 2008. Tout comme le seul rescapé de ce périple meurtrier, Bertrand Meichel, lui aussi DRH, qui assisté de sa stagiaire Estelle Luce avait licencié l’accusé à l’été 2006, au cœur du mois d’août. La jeune stagiaire, qui n’avait que 24 ans à l’époque, a été criblée de balles 15 ans plus tard sur le parking de son entreprise.

Entre les 26 et 28 janvier 2021, Gabriel Fortin a mené un périple meurtrier à travers la France entre le Grand-Est et la région Auvergne Rhône-Alpes pour se venger de ses anciens employeurs. Ceux qui l’avaient licencié plus de dix ans auparavant, ceux dont il a suivi les carrières avec attention, d’abord pour les diffamer en ligne.

Grâce à des faux comptes Viadeo et LinkedIn, l’ingénieur au chômage a présenté Bertrand Meichel et Estelle Luce comme des "DRH mercenaires" prêts à tout. Pour s’en prendre physiquement à eux, ensuite.

Deux ans de silence

Mais depuis son arrestation le 28 janvier 2021, Gabriel Fortin garde le silence, à l’exception de cette seule déclaration aux médecins psychiatres juste après son incarcération:

"Je préfère une condamnation pénale extrêmement lourde qu’une déchéance sociale".

Il n’a pas répondu aux questions des policiers, de la juge d’instruction. Il est resté dans le fourgon lors des reconstitutions et a refusé d’être expertisé. Cet ingénieur au chômage, qui était déjà très isolé à l’extérieur, à l’exception de sa mère et de rencontres occasionnelles avec son frère aîné, s’est muré dans le silence. Ses avocats n’ont pas souhaité s’exprimer non plus avant l’audience.

La juge d’instruction a retenu la préméditation parce que Gabriel Fortin a laissé derrière lui de nombreuses notes sur son dessein criminel. Il a toujours écrit de manière compulsive: le nombre de pas, l’évolution des prix des denrées alimentaires, le moindre de ses déplacements.

Plusieurs récits écrits de Gabriel Fortin retrouvés

Grâce à de nombreux fichiers retrouvés sur son ordinateurs les enquêteurs ont pu retracer des repérages: décembre 2019 à Guilherand-Granges (Ardèche), la dernière scène de crime, octobre 2020 l’agence Pôle emploi de Valence.

En détention, Gabriel Fortin a continué d’écrire. Il parle de lui à la troisième personne en prenant ses initiales: "GF était voué aux minimas sociaux à cause d’inactions de justice". Il semble dénoncer les carences de l’État et se renseigne sur "la légitime défense différée", "tuer pour ne pas mourir".

Me Hervé Gerbi, avocat de partie civile, s’interroge: "Est-ce une tentative pour se justifier ou est-ce que ça correspond à la réalité de ce qu’il a pu ressentir ? Il va falloir un tri à l’audience".

Pour Me Dominique Arcadio, l’avocat de la famille de Géraldine Caclin, il ne faut pas tomber dans le mobile de la vengeance professionnelle.

"M. Fortin est peut-être animé d’un désir de vengeance mais contre la terre entière, et les DRH en faisaient partie ", explique Me Dominique Arcadio.

"C’est l’explication commode mais au fond si Gabriel Fortin n’avait pas tué ces deux DRH et cette conseillère Pôle emploi, il aurait tout de même abattu d’autres personnes", ajoute-il.

Une longue liste de cibles à abattre

La juge d’instruction laisse entendre dans son ordonnance de mise en accusation qu’il y avait d’autres cibles potentielles, une ex-petite amie de lycée, deux anciens avocats aux prud'hommes qui auraient abandonné le dossier de Gabriel Fortin, et peut-être même le procureur de la République de Valence, qui n’aurait pas répondu favorablement aux récriminations de l’ingénieur au chômage.

"Si on me laisse l'occasion de lui dire ce que je veux au tribunal, ce sera pour essayer de montrer, aux côtés d'autres personnes qui seront là, la femme qu’était ma mère et ne pas s'attacher uniquement à son rôle de DRH, confie Augustin Caclin. Ce pour quoi, apparemment, Gabriel Fortin aurait fait ce qu'il a fait."

"Tueur de DRH": le podcast évènement de RMC
En partenariat avec Paradiso Media, RMC lance un podcast évènement sur l'affaire du "tueur de DRH". Ce procès, qui débute ce mardi 13 juin à Valence, se déroulera sur trois semaines et sera couvert par Marion Dubreuil, journaliste judiciaire chez RMC. En direct du tribunal, la journaliste, qui suit et documente l’affaire depuis un an et demi, rendra compte à l’antenne et dans ses podcasts du déroulement de l'audience.
>> Le podcast "Tueur de DRH"

Marion Dubreuil