Trois influenceurs algériens arrêtés sur fond de tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie

Trois influenceurs algériens ont été arrêtés ces derniers jours en France, après avoir diffusé des vidéos sur leurs réseaux sociaux appelant à commettre des violences. C'est un dossier complexe qui va de TikTok aux relations diplomatiques très tendues entre la France et l'Algérie
Qui sont les protagonistes?
Les trois individus interpellés ne sont pas que des TikTokeurs. Ils ont été interpellés tour à tour à Brest, Echirolles près de Grenoble et Montpellier.
Le premier c'est Youcef A., Zazou Youcef de son pseudo sur les réseaux. Il doit être jugé le 24 février pour apologie d’acte de terrorisme. Arrivé en France en 2020, il a reçu un titre de séjour en 2023, il a eu un enfant avec une Française. Mais ce titre n’a pas été renouvelé. Et pour cause: il a été interpellé pour avoir participé aux émeutes après la mort de Nahel.
Imad Ould Brahim, qui se fait appeler Imad Tintin ou encore "Blédar de luxe" sur les réseaux sociaux, sera lui jugé en comparution immédiate ce lundi pour "provocation directe à un acte de terrorisme". Il est connu de la justice pour conduite sans permis. Il fait aussi l’objet d’une OQTF, mais les demandes de laisser-passer consulaire formulées auprès de l'Algérie sont restées lettre morte.
Le dernier dont on a appris l’arrestation à Montpellier dimanche soir, se fait appeler appelait "Ami Boualem". La préfecture de l'Hérault assure qu'elle étudie la possibilité de lui retirer son titre de séjour et de prononcer une OQTF à son encontre.
Les trois protagonistes risquent sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
Que leur est-il reproché?
Le 31 décembre, depuis Brest, Zazou Youcef publie sur TikTok une vidéo dans laquelle il appelle à perpétrer des attentats en France et des violences en Algérie. Il appelle à "violer" sur le sol français tout individu qui s’opposerait au pouvoir algérien. Avec véhémence, il s’exprime en Arabe sous-titré en français. "On va vous faire comme dans les années quatre-vingt-dix. On va tirer sur vous" mimant un geste d’égorgement sur la vidéo. Suivi par des centaines de milliers d’abonnés, il est alors repéré et interpellé vendredi matin puis placé en détention.
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau réagit dans la foulée et promet que l'influenceur "devra répondre de ses actes devant la justice".
Imad Tintin est lui arrêté le soir même à Echirolles dans la banlieue de Grenoble. Lui aussi appelait à la violence et disait son soutien au premier dans une vidéo vue plus de 800.000 fois. Il appelait à "brûler vif, tuer et violer sur le sol français" Chez lui, les policiers ont retrouvé des décors utilisés dans la vidéo. Il est poursuivi pour "provocation directe à un acte de terrorisme".
Le troisième "Ami Boualem" est un tiktokeur aussi qui compte 138.000 abonnés. Il a été signalé par le Maire de Montpellier et le préfet de l’Hérault après avoir tenu dans une vidéo des "propos antisémites", il fait "l’apologie de la torture" et vise un opposant algérien en France: "Tuez-le, laissez-le souffrir".
Politique algérienne
Dans ce dossier, il est surtout question de politique algérienne. L'opposant visé par "Ami Boualem" s'appelle Chawki Benzehra. C’est un réfugié politique en France, il a fui l’Algérie après avoir manifesté contre le pouvoir en 2019. Cité par l’AFP, il assure que ces influenceurs ont rejoint "la guerre menée en France parle régime algérien" qui semble mobiliser en ligne.
D’ailleurs, l’entourage du ministère de l’Intérieur fait savoir que "les services de renseignement étudient ces affaires de très près".
Relations tendues entre Paris et Alger
Ces affaires surviennent alors que les relations entre la France et l'Algérie se sont tendues récemment. La relation a toujours été complexe, mais particulièrement depuis que la France a pris le parti du Maroc dans le conflit territorial qui oppose les deux pays du Maghreb sur la question du Sahara Occidental.
C’est un autre dossier compliqué mais ces derniers mois ont été marqué par le voyage en grande pompe du président français au Maroc, par le rappel par l’Algérie de son ambassadeur à Paris ou par l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Interrogé sur le sort de ce dernier hier, Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères a émis dimanche des "doutes" sur la volonté d'Alger de respecter la feuille de route des relations bilatérales franco-algériennes. En langage diplomatique, ça veut dire que ça ne va pas.
Le pouvoir algérien est en guerre de communication avec Paris. En décembre, la télévision d’État a diffusé un documentaire qui accuse le renseignement français de comploter avec des islamistes en Algérie.
Au moment de l’arrestation de Boualem Sansal, l’agence de presse algérienne affirmait que Paris est gangréné par un lobby "anti-algérien" et "pro-sioniste". "La France Macronito-sioniste (...) s’offusque de l’arrestation de Sansal à l’aéroport d’Alger".