"Un crime d'amour propre" et non "d'amour": un avocat condamné à 18 ans de prison pour le meurtre de l'amant de sa compagne

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"Amour", "amour-propre" et "trahisons": un avocat parisien a été condamné ce vendredi à 18 ans de réclusion criminelle aux assises de Paris pour avoir poignardé à mort l'amant de sa compagne après l'avoir surpris dans le lit conjugal.
A l'énoncé du verdict, légèrement inférieur aux réquisitions de l'avocate générale, qui avait réclamé 20 ans de réclusion à son encontre, l'accusé est resté immobile, les yeux dans le vague et le visage fermé.
Charles Sievers, 34 ans, ancien avocat au barreau de Paris et fils de magistrat, avait découvert sa compagne au lit avec un autre homme dans la nuit 4 au 5 janvier 2017, en rentrant de façon inopinée dans leur appartement parisien.
Le trentenaire, qui travaillait à l'époque dans un cabinet spécialisé en droit public, était alors entré dans un état de "rage": il avait saisi un long couteau dans la cuisine et avait poignardé sa victime, âgée de 22 ans, au niveau du cœur.
Les secours, rapidement alertés, n'étaient pas parvenus à réanimer le jeune homme. Cet étudiant en biologie, qui rédigeait une thèse, s'était engagé 15 jours plus tôt dans une relation avec la jeune femme. Il ignorait qu'elle avait encore un compagnon.
"Duplicité"
Quel niveau de conscience avait Charles Sievers lorsqu'il a poignardé sa victime? Dans son réquisitoire rendu vendredi matin, l'avocate générale a écarté toute perte de contrôle, estimant que l'accusé était "pleinement responsable" de son geste.
"Le passage à l'acte ne résulte pas d'un coup de folie. Il procède d'un sentiment de haine qui trouve sa source" dans les doutes "entretenus de manière obsessionnelle" par l'accusé, a-t-elle déclaré, en dénonçant l'"effroyable détermination" de M. Sievers.
Selon son ex-compagne, le trentenaire aurait lancé juste après avoir poignardé sa victime: "C'est un crime passionnel, cela se défend très bien aux assises". Des propos que le Charles Sievers a toujours nié avoir tenus.
"Pour ma part, je tiens pour acquis que ces mots ont été prononcés", a affirmé l'avocate générale, en insistant sur la part de "duplicité" de l'accusé, selon elle "très immature dans sa relation aux femmes". Ce qu'il a fait "n'est pas un crime d'amour car il n'avait plus d'amour pour elle: c'est un crime d'amour propre, d'appartenance".
"Infidélités réciproques"
"L'homme que vous avez à juger n'est pas celui décrit dans le réquisitoire: ce n'est pas quelqu'un qui a agi de sang froid" mais "sous l'emprise d'une immense émotion", a martelé Me Philippe Geny-Santoni, avocat de Charles Sievers, insistant sur la "détresse psychologique" de l'accusé.
Le trentenaire, décrit comme "calme" mais "émotif", avait été retrouvé par un passant quelques minutes après le meurtre, allongé sur la route, couvert de sang. "Il était sous le choc, complètement abasourdi", a rappelé Me Geny-Santoni.
Lors de l'enquête, des proches de Charles Sievers et de son ancienne compagne ont décrit un couple conflictuel, avec des "infidélités réciproques" et un "ascenseur émotionnel" permanent. Leur fonctionnement était "toxique", a insisté leur entourage.
Une description reprise par l'avocat de l'accusé, qui a mis en cause vendredi le rôle joué par son ex-compagne, âgée de 26 ans. "Son récit est très largement mensonger", a-t-il estimé, en rappelant qu'elle avait varié à plusieurs reprises dans ses témoignages.
La jeune femme, décrite comme "manipulatrice", avait envoyé le soir du drame des SMS à ses deux compagnons, disant ne pas vouloir passer la nuit seule. "Il semblerait qu'elle veuille se disculper d'une hypothèse terrible: c'est qu'elle ait plus ou moins consciemment cherché une confrontation", a estimé Philippe Geny-Santoni, évoquant une "double trahison".