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Police-Justice

Faut-il réduire les peines des détenus déjà incarcérés pour lutter contre la surpopulation carcérale?

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Une "urgence" qui s'apparente à celle d'une crise sanitaire: face à la surpopulation carcérale hors de contrôle, une mission d'urgence commandée par le ministère de la Justice recommande une "réduction de peine exceptionnelle" générale pour "tous" les détenus, sauf exceptions.

Et si la solution pour lutter contre la surpopulation carcérale était de réduire les peines des détenus déjà incarcérés? C'est ce que propose un rapport commandé par le ministère de la Justice et Didier Migaud, Garde des Sceaux du gouvernement Barnier, en novembre 2024.

Ce rapport, rédigé des professionnels du secteur, a été rendu, au mois de mars, à son successeur Gérald Darmanin. Les auteurs proposent qu'il soit déterminé en "urgence", une "réduction de peine exceptionnelle", s'appliquant à tous les détenus condamnés et purgeant une peine d'emprisonnement (délit) en détention, "sous réserve des exclusions à déterminer par le Parlement".

En réponse à ce rapport, Gérald Darmanin adresse aujourd'hui une lettre aux magistrats et aux agents de la justice dans laquelle il évoque plusieurs pistes: élargir le principe du "plaider-coupable", une médiation obligatoire dans certaines affaires civiles, introduire des "seuils minimaux" de peine, ou encore créer des "prisons thématiques".

“C’est un message de laxisme"

Une proposition qui a entraîné une vague de réactions, dans la sphère politique, mais aussi du côté des professionnels. Ce rapport parle "d'état d'urgence" concernant la surpopulation dans les prisons. Les chiffres augmentent chaque mois: 133% de densité carcérale globale au 1ᵉʳ avril. Un constat, partagé par le syndicat de la magistrature, dont Mathilde Thimotée est la secrétaire générale.

“Il y a des matelas au sol, il y a de la promiscuité inacceptable pour les personnes détenues, il y a un accès très réduit aux services élémentaires de la prison, que sont la douche, la promenade, sans parler des soins et du travail”, explique-t-elle.

Le syndicat soutient les préconisations du rapport, comme la création d'un mécanisme contraignant de régulation carcérale. Une réduction de peine exceptionnelle similaire à celle utilisée lors du Covid-19. Le syndicat Alliance Police s'oppose à cette proposition.

“C’est un message de laxisme, c’est également une offense au travail des forces de sécurité intérieure. Ça ressemble à une gestion hôtelière des prisons. C’est, pour nous, contraire aux principes de protection de la société et des victimes”, dit Éric Henry, délégué national du syndicat. Selon son entourage, le Garde des Sceaux, Gérald Darmanin est "tout à fait opposé à la régulation carcérale ou à des libérations collectives anticipées".

"Cette politique a des conséquences sur la vie de ces gens entassés"

"La surpopulation doit désormais être appréhendée pour ce qu'elle représente effectivement: un état d'urgence", écrivent les auteurs du rapport, alors que les chiffres battent chaque mois de nouveaux records. Il y a 82.921 détenus au 1er avril pour 62.358 places, soit une densité carcérale globale de 133%. "Dans un souci d'acceptabilité", il faudra notamment fixer un quantum de peine au delà duquel le mécanisme ne s'appliquerait pas.

"La très grande réserve des représentants politiques" à s'en saisir s'explique selon les auteurs par le fait que "la justice française continue d'être très largement considérée comme laxiste par l'opinion publique".

La mission était composée du premier président de la cour d'appel de Versailles, Jean-François Beynel, de la procureure générale de la cour d'appel de Besançon, Marie-Christine Tarrare, du président du tribunal de Bobigny, Peimane Ghaleh-Marzban, de la procureure de Nîmes, Cécile Gensac, du directeur de la prison parisienne de la Santé, Bruno Clément-Petremann, et de l'avocate Clotilde Lepetit.

Sur RMC ce lundi, Matthieu Quinquis, avocat au barreau de Paris et président de l’Observatoire international des prisons, défend ce rapport. "On a rempli les prisons de manière très rapide depuis la Covid. Cette politique a des conséquences sur la vie de ces gens entassés à quatre dans des cellules de 9m², vétustes et insalubres. C’est une atteintes à leurs droits", assure-t-il au micro d’Apolline de Malherbe.

"L’objectif de la peine, c'est aussi la réinsertion, mais dans quelles conditions vont-ils sortir ensuite? On a tous intérêt à ce que la peine s'exécute dans les meilleures conditions". Avant de conclure: "on ne peut pas continuer sur la voie qu'on emprunte, de surincarcération. C'est une situation qui met en péril toute la société”.

C.A avec Justin Adell