Formation, maintien de l'ordre, IGPN... Les huit chantiers du "Beauvau de la sécurité"

Listés fin novembre à l'Assemblée nationale par Gérald Darmanin, les "sept péchés capitaux" de la police serviront de canevas aux quatre mois du "Beauvau de la Sécurité", auquel s'est ajouté un "8e chantier", le rapport avec la justice, à la demande des syndicats.
De la formation initiale et continue, jugées insuffisantes, aux liens distendus entre une partie des Français et leur police: tour d'horizon des principaux chantiers de cette consultation nationale inédite qui débute lundi.
Liens police-population
"Je ne partage absolument pas l'idée d'un divorce entre la police et la population", a répété plusieurs fois Gérald Darmanin. Un récent sondage de l'Ifop montre néanmoins une confiance érodée, notamment parmi les jeunes dont une majorité considère que le racisme et la violence sont une réalité parmi les forces de l'ordre.
Le ministre de l'Intérieur a déjà évoqué deux pistes : "10.000 stages, contrats d'apprentissage" au ministère de l'Intérieur pour les jeunes des quartiers populaires ; porter à 30.000 - contre 6.000 aujourd'hui - le nombre de réservistes de la police nationale en s'ouvrant à des profil d'actifs, quand actuellement 90% sont des retraités.
Formation
Depuis juin, la formation en école a été réduite de 12 à 8 mois, suivi de 16 mois de stage en commissariat. Cette réforme, lancée en 2016 par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, visait à envoyer plus rapidement des policiers sur le terrain dans le contexte post-attentats.
"Ce n'était pas une bonne mesure", selon Gérald Darmanin. Difficile pourtant d'en tirer un bilan car la première promotion issue de cette réforme est à peine sortie de l'école.
Quant à la formation continue, seuls 60% des policiers ont effectué leurs trois séances de tir obligatoires en 2019 et 20% ont suivi les 12 heures de perfectionnement réglementaires.
Encadrement
Il "manque de chefs, de sous-chefs, de sous-officiers, présents dans la rue, auprès des forces de sécurité. Il faut recréer un corps intermédiaire d'encadrement", estime le ministre de l'Intérieur.
Cet encadrement intermédiaire, composé des brigadier-chefs et majors, est particulièrement déficient en Île-de-France, où sont envoyés les trois-quart des jeunes gardiens de la paix en sortie d'école. Ceux-ci, montés en grade après quelques années, cherchent ensuite à repartir dans leur région d'origine, nourrissant un turnover.
Relation avec la Justice
Ce thème a été ajouté à la demande d'Alliance, l'un des deux principaux syndicats chez les gardiens de la paix, qui fustige régulièrement une réponse pénale insuffisante.
Alliance espère ainsi que l'engagement du ministère de l'Intérieur à mettre en place dès le 1er juillet un "observatoire des réponses pénales" comparant les peines encourues, prononcées et réellement effectuées, sera confirmé à l'issue des débats.
La question de la lourdeur de la procédure pénale, antienne des policiers depuis des années, devrait également être abordée.
Maintien de l'ordre
La publication en septembre du Nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), en réponse aux polémiques à répétition sur la gestion des manifestations lors du mouvement des "gilets jaunes", n'a pas éteint les controverses.
Cette nouvelle stratégie, marquée par un encadrement plus strict des tirs de LBD et le recours à des grenades moins puissantes, est accusée d'entraver la liberté de la presse en empêchant journalistes et observateurs d'assister aux opérations de maintien de l'ordre jusqu'à leur terme.
Un rapport parlementaire des députés Jean-Michel Fauvergue (LREM) et Jérôme Lambert (PS) recommandait la semaine dernière l'interdiction du LBD en manifestation, sauf en cas de "grave danger ou d'émeutes".
IGPN, la "police des polices"
Si le "Beauvau de la sécurité" entend débattre du contrôle interne de la gendarmerie et de la police, c'est bien l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices", qui concentre les critiques, accusée de partialité dans les enquêtes sur les violences policières.
Le rapport Lambert-Fauvergue a recommandé le rattachement direct de l'IGPN au ministère de l'Intérieur, en supprimant la tutelle de la direction générale de la police nationale (DGPN). Une option qui "peut être examinée", avait déclaré fin novembre Gérald Darmanin.
Captation de vidéos
La captation de vidéos, que la loi Sécurité globale entend à la fois encadrer pour les images des forces de l'ordre et étendre par l'usage des drones et des caméras-piétons - généralisées à partir du 1er juillet -, cristallise les tensions avec la presse et les défenseurs des libertés publiques.
Si la majorité s'est engagée à réécrire l'article 24 de la loi réprimant la diffusion "malveillante" d'images des policiers et gendarmes, certains redoutent qu'il soit remplacé par une disposition du même esprit, mais étendu à tous les fonctionnaires, dans le projet de loi contre le séparatisme islamiste débattu à partir de lundi.
Conditions matérielles
En dépit du milliard d'euros obtenu au titre du plan de relance pour rénover les commissariats et changer sa flotte de véhicules, Gérald Darmanin estime que cela "n'est pas suffisant".
"Pendant très longtemps, le ministère de l'Intérieur s'est contenté des dépenses de personnel" sans "s'intéresser aux questions du matériel, de l'immobilier, des voitures, des armes", avait-il déploré devant la commission des lois.