Il a lancé le "procès du siècle" en Italie: Nicola Gratteri, le procureur obstiné qui s'attaque à la mafia calabraise
Dans un gymnase transformé en palais de justice ultra sécurisé, on va juger à partir de ce mercredi 355 accusés, poursuivis pour meurtre, tentative de meurtre, enlèvement, trafic de drogue, dissimulation de cadavres, blanchiment, recel, abus de pouvoir...
Dans le box, toute la famille du clan Mancuso, principale branche de la mafia calabraise, N'Drangheta. Y compris le parrain, Luigi, qui est déjà en prison depuis 20 ans.
Ce procès, c'est le résultat du travail d’un homme. Nicolas Gratteri, procureur de Catanzano, la capitale de la Calabre. C'est-à-dire la pointe de la botte italienne.
Le jour de sa nomination en mai 2016, il a décidé de s'attaquer à ce clan. Il est allé voir un repenti en prison. Il a placé des centaines de personnes sur écoute. Il n’a pas écouté ceux qui l'accusaient d’en faire trop et de ratisser trop large.
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Portes-flingues, voyous, policiers, politiques tous arrêtés
Après trois ans d'enquête, il a lancé une vaste opération. L’arrestation de centaines de mafieux, en Calabre, dans le reste de l’Italie, en Allemagne, en Suisse et ailleurs.
Et il n’a pas arrêté que les portes flingues et les voyous. Il s’est attaqué à leurs complices. Les cols blancs. Des dizaines de policiers ont été interpellés et emprisonnés. Des magistrats, des politiques, un sénateur, des entrepreneurs, des fonctionnaires.
Parce qu’il explique que la mafia sicilienne, la Cosa Nostra, régnait par le meurtre et la terreur, alors que la mafia calabraise règne par l’argent et la corruption. Elle domine le trafic de cocaïne en Europe, elle a un chiffre d’affaires de 55 milliards de dollars par an.
Le procureur explique qu’elle fonctionne comme Mc Donald's, avec des filiales dans le monde entier et partout la même recette. Sauf que Mc Donald's fait dans le hamburger, alors que la N'dranghetta est dans la liasse de billets.
Les deux juges qui avaient instruit le précédent maxi-procès assassinés
Nicola Gratteri est magistrat anti-mafia depuis près de trente ans. Il vit en permanence sous protection policière. Il ne sait pas que ce sait que d’aller au cinéma, à la plage ou simplement de se promener dans les rues. Ces derniers temps, les menaces de meurtres sont devenues plus précises et son escorte a encore été renforcée. C’est probablement un des hommes les plus protégés du monde. Ça lui gâche la vie mais il fait avec: il se décrit comme un homme en guerre.
Il sait que les deux juges qui avaient instruit le précédent maxi-procès contre la mafia sicilienne dans les années 80 étaient eux aussi hypers protégés. Ces deux juges, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino avait tout de même été assassinés peu après le procès. Avec leurs gardes du corps.