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Police-Justice

“Je suis détruite”: l’ex-maire de Canteleu, jugée pour complicité de trafic de drogues, clame son innocence

Jugée pour complicité de trafic de drogues, l'ex-maire de Canteleu se dit "détruite"

Jugée pour complicité de trafic de drogues, l'ex-maire de Canteleu se dit "détruite" - Marion Dubreuil

L’ancienne maire de Canteleu, jugée pour complicité de trafic de drogue à Bobigny, a clamé ce mercredi 19 juin 2024 son innocence à la barre. Mélanie Boulanger a tenu à marquer sa différence avec les autres prévenus, assurant n’avoir jamais favorisé le clan Meziani connu pour trafic de stupéfiants, qu’elle affirme au contraire avoir signalé à plusieurs reprises aux autorités compétentes.

“Je voulais vous dire mon innocence”, a expliqué Melanie Boulanger au tribunal correctionnel de Canteleu. Pantalon à pince noir, chemisier blanc et bleu, l’ex-maire dénote dans la salle d’audience avec les autres prévenus et elle le sait. “Je suis très loin des autres prévenus, dont j'ai découvert le visage pour 16 d'entre eux au début de ce procès (à l’exception de son adjoint Hasbi Colak avec lequel elle a entretenu une liaison)".

"Je ne partage avec eux aucun intérêt financier, personnel, politique, philosophique. Rien dans mon éducation et dans ma vie n'est comparable à ce qu'ils font et ce qu'ils sont."

“J’ai donné d’autres noms, des gens qui sont toujours dehors”

Mélanie Boulanger a fait carrière en politique. Conseillère municipale dès ses 18 ans aux côtés de son père, elle s’installe à Canteleu en 2012, elle est élue maire pour la gauche rassemblée deux ans plus tard. Sur une question de son avocat Me Arnaud de Saint Rémy, l’ancienne maire semble s’effondrer à la barre.

“Je suis détruite. J'ai donné beaucoup. J'ai fait des choses que j'adorais. Je voulais changer la vie des gens, l'améliorer. Je savais que je n'avais pas de baguette magique mais de l'énergie à donner, j'ai donné”. Puis, elle reprend d’une voix calme le fil de sa déposition avec l’assurance d’une femme politique.

“Je ne crois pas qu’une quelconque inaction pour lutter contre le trafic de drogue n’ait été pointé par l’accusation”, explique le président Baptisé Acchiardi. “Encore heureux”, l’interrompt Mélanie Boulanger. Elle affirme, sans pouvoir le prouver par des écrits, avoir cité le nom de la fratrie Meziani comme s’adonnant au trafic de stupéfiants à plusieurs reprises auprès du préfet, du directeur départemental de la sécurité, de la commissaire.

“J’ai donné d’autres noms, des gens qui sont toujours dehors”, ajoute-t-elle. “J’ai bien conscience que la police et les tribunaux n’ont pas éradiqué la délinquance”, répond le président du tac au tac. L’ancienne édile assure avoir eu la conviction que Canteleu avait un grave problème avec le trafic de stupéfiants.

"Je n’ai plus peur, j’ai déjà tout perdu”

Mélanie Boulanger, qui n’a tiré aucun bénéfice personnel, rappelle Baptiste Acchiardi, du trafic de stupéfiants, évoque désormais un épisode d’intimidation et de menace qu’elle a subi dans son bureau de la part d’un frère Meziani qui n’est pas jugé dans ce procès.

“Il veut un logement pour obtenir la garde de ses enfants, je le renvoie à la procédure. Il me dit, ‘je sais où vous habitez, je sais où votre fille va à l’école’. Quand il est sorti, j’étais liquide. Je suis en danger, je veux que les gens le sachent”, Melanie Boulanger affirme avoir alerté son directeur de cabinet, l’ex-maire de Canteleu, le député, le préfet, la commissaire de police, avoir demandé une protection en vain.

Elle n’a pas déposé plainte par peur, dit-elle. Interrogée sur son rôle dans les attributions de logements sociaux, y compris en faveur des Meziani dont son adjoint Hasbi Colak se faisait le relais, elle s’emporte: “quand j’ai appris qu’on me reprochait de favoriser le trafic de stupéfiants, j’avais envie de déchirer ma carte de maire. Mais devant vous, je n’ai plus peur, j’ai déjà tout perdu”.

Interrogée sur ses échanges avec son adjoint Hasbi Colak en lien direct avec la famille Meziani concernant “les grands”, la maire prétend qu’elle faisait mine de partager des informations pour envoyer des messages aux trafiquants. “Vous comprenez bien que les informations données aux trafiquants permettent en quelque sorte de sécuriser le trafic ?”, lui demande le président.

“Jamais, rétorque la prévenue, je n’ai donné une information sensible. Jamais, je n’ai demandé le report de l’installation de caméra de vidéoprotection pour favoriser le trafic”.

“Toutes les écoutes, toutes les infos données aux ‘grands’ comme vous dites, c'était du bluff pour qu’ils aient peur? Je ne comprends pas cette stratégie de bluff, les prévenir qu’il va y avoir énormément de police, ça leur permet de s’organiser, de faire plus attention”, la reprend la procureure.

“Le commissaire affirme que vous avez demandé que les caméras ne soient pas déposées avant les élections, vous bluffez aussi en réunion?”, demande la procureure.

A-t-elle cédé à la peur ou voulu acheter la paix sociale? La question reste sans réponse pour le moment.

Marion Dubreuil