"L'école est cernée par les points de deals": excédés, des habitants de Villeurbanne défient les trafiquants de drogue

La préfète du Rhône promet de recevoir cette semaine les habitants du Tonkin, quartier de Villeurbanne secoué par trois fusillades la semaine dernière. Deux ont eu lieu en plein jour, à proximité d'écoles, de quoi inquiéter les riverains. Une demi-compagnie de CRS est arrivée en renfort ce week-end.
Les fusillades n’étonnent que ceux qui ont fermé les yeux, accuse Sylvie, 30 ans, habitante du Tonkin.
“Quand un dealer dit à un père de famille ‘si tu n’es pas content, on va égorger tes enfants’, mais c’est quoi? C’est le trafic de stupéfiants qui fait la loi?”, dénonce-t-elle.
Le collectif dont elle fait partie depuis plus de deux ans tente d'échanger avec les dealers et les consommateurs, et de les faire plier. “Ce n’est pas normal que ce soit aux habitants de descendre à chanter pendant deux heures avec leur banderole pour faire comprendre à un fumeur de crack qu’il ne va pas s’installer en bas de chez lui”, assure-t-elle.
Il faut un éducateur pour un policier, aime-t-elle répéter. Plus d'effectifs qui patrouillent entre les tours. “Les cars de CRS, moi, j’aime bien quand ils sont là. Mais là, par exemple, ils sont au bout de la rue et le point de deal qui est à 20 mètres de chez moi, il tourne. Le gars qu’on a éloigné, il est là. Il a été arrêté samedi, il est ressorti dimanche”, dénonce-t-elle.
"C'est le quotidien"
Arthur (prénom d’emprunt) est lui aussi membre du collectif et habitant du quartier depuis une quinzaine d’années. Invité d'Apolline Matin ce lundi matin sur RMC, il raconte comment le trafic de drogue s’installe et gangrène la vie quotidienne des résidents.
“Nous sommes dans un quartier où le trafic est en pleine expansion depuis quelques années. Ce quartier aurait tout pour être agréable, mais il y a ce trafic. Il y a eu des fusillades à la mitrailleuse il y a quelques jours et le collectif auquel j’appartiens a commencé à exister depuis trois ans après une fusillade à l’arme lourde et au pistolet sous nos fenêtres”, explique-t-il.
Il dénonce aussi la proximité de points de deals avec une école du quartier. “Les fusillades qui ont eu lieu ces derniers jours étaient juste à côté d’une école primaire et maternelle. Elle est cernée par des points de stups et de deals. Il y a quelques mois, des dealers se sont poignardés devant les écoliers à la sortie de l'école. Parents et enfants ont pu voir un homme gisant au sol et saignant, avec des passants qui donnaient les premiers soins. Et ça, c’est le quotidien”, souligne-t-il.
Si la justice manque de moyens, avec des personnes arrêtées qui ressortent libres le lendemain, la police est également en souffrance. Sébastien Gendraud, secrétaire du syndicat Unité SGP Police du Rhône, s'avoue dépassé: “Ça touche beaucoup de quartiers sur l’agglomération lyonnaise. Il manque environ 300 effectifs et forcément, ça s’impacte sur la présence sur le terrain”, détaille-t-il.
Pour Arthur, ce n'est pas tant le travail des policiers qui est à critiquer. "Les policiers sont très actifs, je ne veux pas leur jeter la pierre, ils font ce qu’ils peuvent. Ils essayent sans arrêt de faire des enquêtes et de mettre des gens en prison. Mais, à mes yeux, l’ensemble de la politique à l’échelle nationale sur la lutte contre les stupéfiants est parfaitement inefficace. Malgré ce qu’annonce Gérald Darmanin, je ne pense pas qu’un point de deal soit fermé en France. Je lui demande de me donner l’adresse d’un point de deal qui est fermé plus que quelques mois. En tout cas, dans le quartier du Tonkin, depuis que je suis là, je n’ai jamais vu aucun point fermer plus qu’un mois dans le meilleur des cas. Au contraire, je vois de l’expansion", appuie-t-il.
Les habitants du Tonkin doivent se rassembler une nouvelle fois ce lundi matin pour adresser une lettre au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.