L'Église demande l'ouverture d'une enquête sur l'Abbé Pierre: "Une opération de com' réchauffée"

"Je considère qu'il faut aller au bout de la vérité. C'est pour ça que j'ai demandé, j'ai écrit un signalement au procureur de Paris pour lui demander à réfléchir à ouvrir une enquête sur l'abbé Pierre". C'est ce qu'a annoncé vendredi sur RMC Mgr Éric de Moulins-Beaufort, après l'annonce de neuf nouvelles accusations dont un viol sur un petit garçon, visant le prêtre décédé en 2007.
Une prise de position de la part de l'Eglise qui était attendue par nombreuses victimes mais qui interroge, également. "Je trouve que la démarche en elle-même est très bien sauf qu'à mon sens, elle est un peu tardive. Ce temps perdu fait qu'il y a eu d'autres victimes", regrette auprès de RMC Rachel, qui affirme avoir été agressée sexuellement par le prêtre à l'âge de 8 ans.
"Tout le monde s'agite, il faut absolument faire son signalement"
En octobre, celle-ci a déposé une plainte contre X pour non-dénonciation de crimes, accompagnée par Arnaud Gallais, cofondateur de l'association Mouv'Enfants qui lutte contre les violences faites aux mineurs. Lui exprime son amertume face au signalement de la Conférence des Évêques de France: "Comme par hasard, tout le monde s'agite, il faut absolument faire son signalement, montrer que l'Église a changé. Ça sent l'opération de com' complètement réchauffée", déplore-t-il.
Un procès au pénal peu probable
Comme les faits sont prescrits, un procès au pénal s'avère être peu probable. La seule possibilité pour que les victimes obtiennent réparation auprès d'Emmaüs et de l'Église passerait par un procès au civil. "Si on pouvait établir que c'est dans le cadre de ces structures que l'Abbé Pierre a rencontré ses victimes, alors elles pourraient être responsables des dommages causés", explique le professeur de droit Benjamin Moron-Puech. Ce dernier estime que la responsabilité d'Emmaüs ou de l'Église pourraient aussi être engagée pour négligence.
Les archives de l'Église ouvertes aux chercheurs et journalistes
"On voit dans les archives que l'abbé Pierre a échappé aux mesures" prises par l'Eglise après avoir eu connaissance de son comportement, a affirmé vendredi sur RMC Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Mi-septembre, la Conférence des évêques de France avait annoncé ouvrir ses archives aux chercheurs et aux journalistes pour enquêter sur le prêtre.
Selon les nouvelles accusations, "les faits décrits se sont déroulés des années 60 aux années 2000, la plupart du temps en France et parfois à l'étranger", indique le rapport du cabinet spécialisé Egaé publié lundi, portant à 33 le nombre de témoignages visant le prêtre.
Afin de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant permis à l'abbé Pierre de "ne pas être inquiété", une commission d'experts indépendants, dirigée par la sociologue Céline Béraud, a été installée par Emmaüs. Ses travaux devraient durer deux ans.