"La justice ne fait plus peur": un ancien commissaire tire la sonnette d'alarme sur l'insécurité

Le secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale Frédéric Lauze publie aux éditions Fayard Insécurité, stop à la descente aux enfers, cosigné avec le journaliste Frédéric Ploquin. "Les chiffres sont parlants. Mais au-delà des chiffres, ce qu’on veut raconter dans ce livre, c’est que derrière chaque cambriolage, agression, attaque, vol, il y a une victime", explique ce dernier, au micro de RMC. "Nos élites brassent des chiffres, mais en fait, derrière, il y a de l’humain. C’est ce qu’on veut souligner."
"On a oublié l’efficacité policière et la protection de la population"
Pour Frédéric Lauze, le problème est structurel : "Les questions de sécurité sont fondamentales, c’est la promesse de l’État. Or, sur le temps long, la sécurité s’est fortement dégradée, en particulier pour les plus défavorisés." Selon lui, la société a "déplacé le curseur" : "On a exalté les droits individuels des mis en cause, on a défendu les auteurs et les prisonniers, mais on a oublié l’efficacité policière et la protection de la population. La justice ne fait plus peur. Il y a un sentiment d’impunité, une irresponsabilité pénale et financière."
Frédéric Ploquin évoque également la situation économique: "Si on fait le rapport coût/dépense pour l’État, la délinquance coûte bien plus cher aux citoyens que l’investissement dans les forces de l’ordre. L’insécurité coûte cher pour plein de raisons : les primes d’assurance après les cambriolages, le narcotrafic qui détruit les quartiers, les dépenses privées de sécurité, les milliards engloutis par les Français pour protéger leurs maisons. Ceux qui refusent d’augmenter le budget de la justice et des forces de l’ordre se trompent radicalement de diagnostic. Ils sont à côté de la plaque", dénonce-t-il.
Que disent les chiffres?
Le ministère de l’Intérieur, dans son bilan 2024, dresse un tableau plus nuancé. Les homicides baissent légèrement pour la première fois depuis 2020, certains vols reculent, notamment les vols violents sans arme. Mais d’autres indicateurs inquiètent : les violences sexuelles progressent encore (+7 %), les tentatives d’homicide augmentent, et les infractions liées aux stupéfiants connaissent une nouvelle flambée, portées par l’usage et le trafic. Les violences intrafamiliales ralentissent après des années de hausse à deux chiffres, mais celles visant les mineurs restent en forte progression.
"Une génération qui grandit dans l’impunité"
C’est précisément ce point que Frédéric Ploquin juge explosif. "La brigade des mineurs est sous-dimensionnée. Ça a toujours été la dernière roue du carrosse. La justice des mineurs, ils ne savent pas faire. Les mineurs ne sont plus seulement victimes, mais aussi auteurs."
Sur le terrain, il décrit une réalité inquiétante : "On a des mineurs parmi les tueurs à gages, des fournisseurs de stupéfiants, des jeunes qui agressent des policiers. Le problème, c’est que la justice a remis en liberté trop facilement. Résultat : on a créé une génération entière qui grandit dans l’impunité. "En prison, à la limite, c’est Airbnb : sympathique, logé, nourri. Plus rien ne leur fait mal. Il faut se réorganiser pour traiter cette délinquance."
"Un coup de tocsin"
"Le ministère de l’Intérieur est devenu un ministère de la communication plus que de l’action. Il est excellent dans la gestion de crise, mais sans stratégie. Pour lutter contre la délinquance, il faut un pilotage interministériel, que la Justice et l’Intérieur travaillent ensemble, avec pour objectif de regarder les choses en face", assène Frédéric Lauze. "Ce livre est un coup de tocsin", assure-t-il, grave.