Lingots d'or, "délire paranoïaque" et tuerie familiale: les zones d'ombre de l'affaire Troadec

Une famille tuée à coups de pied de biche, quatre corps dépecés et brûlés, des lingots d'or introuvables... Quatre ans après les faits, l'affaire Troadec semble davantage relever du "délire paranoïaque" que de la guerre d'héritage.
Le 23 février 2017, quand Martine V. contacte la gendarmerie, cela fait plusieurs jours qu'elle n'a pas de nouvelles de sa soeur et de son beau-frère, Brigitte et Pascal Troadec, 49 ans tous les deux. Leurs enfants Charlotte (18 ans) et Sébastien (20 ans) restent eux aussi injoignables. La police se rend au domicile familial, un pavillon d'Orvault, dans la banlieue nantaise, et y découvre des traces de sang. Plusieurs membres de la famille orientent immédiatement les enquêteurs vers Hubert Caouissin et sa compagne Lydie Troadec, respectivement beau-frère et soeur de Pascal Troadec. Dès le lendemain, les deux suspects sont placés en garde à vue mais nient toute implication dans la disparition des Troadec avec lesquels ils sont en conflit depuis 2014. Au coeur de la dispute: une histoire de lingots d'or.
Un trésor introuvable
Selon Hubert Caouissin, ses crimes s'expliqueraient par le vol d'un trésor de pièces et de lingots d'or par son beau-frère Pascal Troadec. Ce trésor aurait été trouvé par le grand-père Troadec dans la cave d'un ancien logement à Brest, puis caché dans un grenier de la grand-mère. Pascal Troadec aurait profité de l'hospitalisation de sa mère pour mettre la main sur le magot.
"Pour des sommes comme ça, on éradique des familles sans problème", lance M. Caouissin lors d'une dispute en 2014.
Le problème est qu'aucun témoin vivant n'a jamais vu ce trésor. Et que les enquêteurs n'ont trouvé ni compte à l'étranger, ni dépenses extravagantes effectuées par les Troadec depuis le "vol" supposé des lingots. "Leur train de vie est tout à fait en adéquation avec leurs ressources qui sont celles d'un ouvrier qualifié et d'une fonctionnaire des impôts", souligne Me Cécile de Oliveira, avocate des parties civiles. "En l'état, rien ne démontre que ce trésor a existé", reconnaît Me Thierry Fillion, avocat d'Hubert Caouissin.
Une personnalité paranoïaque
Fils d'une mère alcoolique et d'un père souvent violent, Hubert Caouissin, chaudronnier de 50 ans à l'arsenal de Brest, avait été arrêté durant trois ans à la suite d'un burn-out.
A l'époque des faits, il vit dans un "contexte de mal être psychologique, de repli sur soi qui a joué dans le développement de la paranoïa", estime Me Fillion. "Il était persuadé que Lydie et leur fils étaient possiblement en danger parce qu'ils avaient découvert le pot aux roses: la captation de la fortune par la famille Troadec".
Les experts psychiatres décrivent une "forme particulière de paranoïa délirante" avec la "conviction absolue d'une spoliation familiale et d'un danger de mort".
Les détails qu'il donne du dépeçage des corps ou de ses crimes sont souvent glaçants. Comme lorsqu'il raconte avoir appuyé le pied sur le visage d'une de ses victimes pour dégager le pied de biche qui y était resté planté.
La préméditation abandonnée
Mis en examen pour "assassinats", Hubert Caouissin est finalement renvoyé aux assises pour "meurtres suivi de crime". "Une incrimination un peu bâtarde" qui "permet de requérir perpétuité" sans avoir à prouver la préméditation, pointe Me Fillion.
Une "sécurité juridique" pour Me de Oliveira qui maintient cependant qu'"il y a une préparation du crime sur de nombreux mois". "Mes clientes sont persuadées que c'est prémédité", affirme aussi Me Olivier Pacheu, avocat des parties civiles.
Parmi les éléments accréditant cette thèse, un dossier "crapules", trouvé sur l'ordinateur de Caouissin avec 38 images de la rue de la maison Troadec. Ou les recherches "tueur à gages en France" et "arbalète de poing" dans l'historique de navigation de Lydie.