Meurtre d'une postière dans l'Ain en 2008: 30 ans de prison requis contre Mamadou Diallo

Le bureau de poste de Montréal-la-Cluse, dans l'Ain, où le corps de catherine Burgod a été découvert en 2008. - Philippe Desmazes AFP
L'affaire a connu plusieurs rebondissements depuis la mort de Catherine Burgod, dont le corps avait été retrouvé dans la petite agence de Montréal-la Cluse en décembre 2008.
"Monsieur Diallo n'est pas un coupable par substitution qui vient par hasard" à la fin d'un dossier, a déclaré l'avocat général devant la cour d'appel du Rhône, regrettant qu'une "vérité médico-légale" se soit "imposée face à la rumeur".
Déjà représentant de l'accusation lors du procès en première instance, Eric Mazaud a consacré la première partie de son réquisitoire à "crucifier" l'hypothèse d'une culpabilité de Gérald Thomassin, acteur devenu marginal, qui habitait en face de l'agence postale et a longtemps fait office de "coupable idéal".
Lors du premier procès, en avril 2022 à Bourg-en-Bresse, l'accusé, qui nie fermement avoir commis le crime, avait été acquitté "au bénéfice du doute". "La cour d'assises et les jurés de l'Ain ont fait de Mamadou Diallo un innocent aux mains couvertes de sang, ce qu'il n'arrive pas à expliquer", a poursuivi M. Mazaud.
"28 coups de couteau dont six mortels"
Catherine Burgod avait été retrouvée, lardée de 28 coups de couteau dont six mortels, dans la petite agence postale de Montréal-la-Cluse, où cette mère de famille de 41 ans, enceinte, travaillait seule un vendredi de décembre 2008.
Les soupçons s'étaient d'abord focalisés sur Gérald Thomassin, ancien espoir du cinéma, jusqu'à ce que l'ADN de Mamadou Diallo surgisse en 2017 dans une affaire de carte bleue volée, finalement classée sans suite.
Âgé de 19 ans au moment des faits, ce dernier soutient depuis son arrestation avoir découvert le corps et volé une liasse de billets en quittant les lieux, "en état de choc", sans appeler les secours.
"La version du vol simple ne peut expliquer la réalité"
"La version du vol simple ne peut expliquer la réalité", a estimé Eric Mazaud. "Mamadou Diallo est le seul à laisser des traces de lui à des endroits incriminant", assène-t-il. "À mon avis le voleur et le meurtrier ne sont qu'un sur cette scène de crime et c'est lui", lance-t-il en pointant du doigt l'accusé.
Après un "puissant combat" de 15 ans pour la vérité, la famille et les proches de la victime sont eux aussi convaincus de la culpabilité de Mamadou Diallo, a souligné leur avocat, Jean-François Barre, en exhortant la cour à "tout remettre à plat".
"Le théorème du + pas vu pas pris + a ses limites", a plaidé Me Barre, dénonçant une franchise "pas immédiate" chez l'accusé et soutenant la thèse d'un "vol qui a mal tourné" et non "l'œuvre d'un fou".
"Un homme aux deux visages"
Lors des six jours d'audience, celui qui est aujourd'hui brancardier a été décrit par sa famille et ses proches comme un jeune homme "gentil", "empathique", "jovial". Eux se sont dits convaincus de son innocence.
"Le braquage qui a mal tourné, ça arrive", a rétorqué l'avocat général, martelant que Mamadou Diallo a été "débordé par la situation", et prenant pour exemple un crime similaire quasiment le même jour à la même heure, à une soixante de kilomètres de Montréal-la-Clause, par un ouvrier surendetté.
L'enquête de personnalité a aussi décrit un homme "aux deux visages", capable de mentir, selon l'expression d'une ancienne petite amie qui l'a accusé de lui avoir volé sa carte bleue.
Tout au long du procès, la défense est restée fidèle à la ligne qui avait conduit à son acquittement, en première instance: raviver l'hypothèse Gérald Thomassin. Cet acteur primé pour son rôle dans un film de Jacques Doillon, avait été mis en examen après des déclarations troublantes et deux discussions téléphoniques en forme d'aveu. Il a disparu en 2019 après avoir bénéficié d'un non-lieu.
L'accusé, âgé de 34 ans aujourd'hui, s'est longuement défendu sur la "chronologie serrée" du meurtre : moins d'une demi-heure sépare le dernier signe de vie de Catherine Burgod - un SMS envoyé à 08H36- et la découverte de son corps par des clients peu après 09H00.
L'avocate Me Sylvie Noachovitch prendra la parole en dernier, avant que les jurés ne se retirent pour prendre leur décision.