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Mort d'Yvan Colonna: l'avocat de la famille menace de porter plainte contre l'Etat

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Pour l'avocat de la famille d'Yvan Colonna, l'Etat a une responsabilité dans l'agression mortelle de l'indépendantiste corse en mars 2023 au sein de la prison d'Arles. Invité de RMC ce mercredi, il s'appuie sur le rôle trouble au sein de la prison de son assaillant, un détenu radicalisé qui bénéficiait de nombreuses libertés comme l'assure une enquête parlementaire.

Un rapport sévère. La commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur l'agression mortelle d'Yvan Colonna au sein de la prison d'Arles en mars 2022, a pointé de "graves défaillances" dans l'appréciation de la dangerosité de son agresseur Franck Elong Abé, une "rigueur" excessive à l'égard du militant indépendantiste corse, et une série de "dysfonctionnements" d'ordre général.

Pour l'avocat de la famille d'Yvan Colonna la responsabilité de l'Etat est "établie": "Ce ne sont pas simplement des défaillances, c'est une accumulation d'anomalies qui empilées les unes sur les autres, amènent à se poser des questions graves", s'étonne ce mercredi sur RMC et RMC Story Maître Sylvain Cormier qui évoque une éventuelle volonté de la part des autorités d'avoir voulu laissé faire: "Aurait-on provoqué cet événement?", s'interroge le conseil.

L'agresseur d'Yvan Colonna, Franck Elong Abé, un homme radicalisé de 36 ans condamné notamment dans un dossier terroriste, atteint de troubles psychiatriques et classé TIS (pour "terroriste islamiste") et signalé comme très dangereux, avait combattu auprès de talibans en Afghanistan au début des années 2010, et multiplié les incidents en prison, des violences au prosélytisme.

Franck Elong Abé, le seul condamné pour terrorisme libre de ses mouvements au sein de la prison

Aujourd'hui, l'avocat de la famille d'Yvan Colonna s'interroge sur le rôle de Franck Elong Abé au sein de la prison: "Dans les zones d'ombre, il y a la question de savoir si Franc Elong Abé est ou non une source du renseignement pénitentiaire. Quatre intervenants ont nié devant la commission parlementaire mais ces dénégations et les anomalies du suivi de la détention de Franck Elong Abé amènent à se poser la question", s'étonne Sylvain Cormier.

Car Franck Elong Abé était l'un des très "rares" TIS à ne pas être passé en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) malgré huit demandes. Et, quelques mois avant l'agression, il avait même obtenu le poste convoité d'"auxiliaire", affecté au nettoyage des salles de sport.

"C'est le seul détenu de France condamné pour terrorisme qui devait aller en quartier d'évaluation pour radicalisation mais qui en fait travaillait au service général et pouvait se déplacer où il voulait dans la centrale. C'est le seul en France et il a eu accès à une salle sans vitre et sans caméra fonctionnelle", ajoute l'avocat de la famille d'Yvan Colonna.

Pour lui, on a provoqué l'incident, alors que les caméras de la salle de sport, le lieu de l'agression, étaient pour la majorité en panne ne retransmettant pas les images en direct et qu'aucun gardien n'était à son poste ce jour-là: "Même si on avait voulu regarder les écrans de surveillance, on n'aurait pas pu".

Vers une plainte contre l'Etat?

Le rôle de Franck Elong Abé, qui devait sortir en mars 2023, est au centre des interrogations: "Il n'est absolument pas inquiet des caméras, il agit comme s'il savait qu'elles ne marchaient pas", assure l'avocat qui explique qu'il ne connaît pas les raisons qu'il avait de tuer Yvan Colonna. De son côté, le détenu radicalisé a justifié l'agression mortelle par des "blasphèmes" qu'auraient prononcés Yvan Colonna.

"C'est impossible. La scène filmée, montre une agression immédiate. Ce n'est pas une dispute qui dégénère, c'est un acte commis de sang-froid, par surprise, vraisemblablement il n'y pas un mot d'échangé. Yvan Colonna est en train de faire ses pompes, on lui saute dessus et on l'étouffe avec un sac", raconte Sylvain Cormier.

Quelques jours avant l'agression, le comportement de Franck Elong Abé avait changé. Il avait d'abord légué ses affaires à ses codétenus et une surveillante avait signalé à sa hiérarchie avoir entendu une voix ressemblant à la sienne dire "Je vais le tuer".

Aujourd'hui, l'avocat a demandé au juge d'instruction de lever le secret-défense pour savoir si Franck Elong Abé était bien une source. "S'il est une source, on ira plus loin, on déposera des plaintes", assure Sylvain Cormier qui se dit prêt à porter plainte contre l'Etat et peut-être contre des préfets ou des responsables politiques.

Guillaume Dussourt