Mort d'Yvan Colonna: la commission d'enquête évoque un "effacement de données" sur son agresseur

Des portraits d'Yvan Colonna lors d'un rassemblement, le 3 avril 2022 à Ajaccio, après la mort du militant nationaliste corse - Pascal POCHARD-CASABIANCA © 2019 AFP
Le meurtrier présumé d'Yvan Colonna à la prison d'Arles avait fait l'objet de deux observations inquiétantes la veille de l'agression, qui n'apparaissent pas dans les données transmises par l'administration pénitentiaire, a annoncé mercredi la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, pointant un "possible effacement" de ces informations.
Le 1er mars 2022, une surveillante aurait entendu "une conversation de trois détenus dont Franck Elong Abé, où le terme 'Je vais le tuer' est apparu" et constaté que ce dernier "vidait sa cellule", selon un document transmis par le renseignement pénitentiaire à la commission d'enquête.
"Effacement de données"
Or, ces deux observations sont absentes des données transmises par l'administration pénitentiaire et n'ont pas été mentionnées lors des auditions à l'Assemblée, a souligné lors d'une conférence de presse le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva, président de cette commission.
"Nous avons les plus grandes interrogations (...) quant à la possible tentative d'effacement de ces données", a-t-il déclaré. "Nous ne nous interdisons pas tout processus judiciaire" si cette "hypothèse" était avérée, a ajouté le député, qui s'exprimait au côté du rapporteur de la commission, Laurent Marcangeli (Horizons).
Le 2 mars 2022, Yvan Colonna, qui purgeait une peine de prison à perpétuité à Arles pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, avait été violemment agressé par Franck Elong Abé, 36 ans, qui purgeait plusieurs peines dont une de neuf ans pour "association de malfaiteurs terroriste". Il était décédé des suites de ses blessures après trois semaines de coma.
Aucune annotation depuis janvier 2022, "anormal" pour un député
La commission des lois de l'Assemblée a procédé à plusieurs auditions sur ce meurtre au printemps 2022, dont celles de l'ex-cheffe de l'établissement et du directeur de l'administration pénitentiaire. Plusieurs députés ont ensuite réclamé une commission d'enquête, où les personnes auditionnées doivent prêter serment
Une procédure judiciaire pour "assassinat en relation avec une entreprise terroriste" est aussi ouverte.
Dans le cadre de leurs travaux, les députés ont demandé à l'administration pénitentiaire le dossier de Franck Elong Abé dans Genesis, le logiciel de traitement de données sur les détenus, a expliqué Jean-Félix Acquaviva.
Les agents pénitentiaires doivent y inscrire des observations sur les détenus particulièrement surveillés (DPS), statut de Franck Elong Abé, également étiqueté "terroriste islamiste" (TIS).
Mais les données transmises ne comportent aucune annotation sur ce détenu à partir du 29 janvier 2022, contre "quatre à six par mois" auparavant, ce qui est "anormal", a observé le député.
La mort d'Yvan Colonna aurait-elle pu être évitée?
Relancée, l'administration pénitentiaire a expliqué que les observations concernant les DPS se trouvaient dans "un onglet à part". Mais une fois transmis cet "onglet supplémentaire", à la date du 1er mars ne figure qu'"une information mineure" concernant "un échange de paquet de pâtes".
Or, selon le renseignement pénitentiaire, une agente a transmis deux courriers à sa hiérarchie après l'agression, détaillant plusieurs incidents, dont la conversation et le rangement de la cellule. Elle y précise avoir averti sa hiérarchie "le jour même", le 1er mars, et avoir "réalisé une observation" dans le logiciel dédié.
"Ces informations (...) auraient dû" conduire à "porter encore plus l'attention à la surveillance de l'individu et éviter le drame du lendemain", a déploré M. Acquaviva. Le rapport de la commission est prévu en mai.