"On peut tous être pris dans une fusillade": à Marseille, le constat alarmant d’une avocate

Il jouait aux cartes avec des amis, dans un snack. Un homme de 63 ans, inconnu des services de police, a été tué ce lundi soir à Marseille, lors d’une fusillade dans le quartier de la Busserine. Une possible victime collatérale, selon les premiers éléments de l’enquête. Un autre homme, âgé d'une trentaine d'années, a été blessé. Depuis le début de l’année 2023, il y a eu 17 morts dans des règlements de comptes sur fond de trafic de drogue. A Marseille, certains ont désormais l’impression ne plus être à l’abri nulle part.
"Nous avons une nouvelle configuration sur Marseille, au niveau de ces assassinats, explique Karima Meziene, avocate et membre du ‘Collectif des Familles’ dans ‘Apolline Matin’ ce jeudi sur RMC et RMC Story. Ce sont des fusillades où on ne cible plus une personne déterminée mais plutôt un quartier et puis tant pis pour les personnes qui se trouvent à côté. Elles sont ‘rafalées’ au même titre que les autres. On en arrive à une situation où un père de famille, un grand-père de 63 ans, est assassiné parce qu’il jouait aux cartes."
"Alors qu’on dénonçait toutes ces victimes, qu’on disait que c’était inadmissible et qu’il y avait une violence qui gangrénait Marseille, on détournait le regard en venant nous dire que c’était lié au trafic de stupéfiants, à une guerre de territoires. On venait culpabiliser ces victimes en disant : ‘Qu’est-ce qu’elles faisaient là, à une heure tardive, sur Marseille?’. Aujourd’hui, on réalise qu’on peut tous être pris dans une fusillade. Il y a une telle violence que ça devient inquiétant. Il y a de plus en plus de victimes par ricochet, des victimes collatérales", s’alarme Karima Meziene.
"La nuit, moi, je leur déconseille d’aller dans des épiceries de nuit, de marcher…"
Cette avocate, qui a perdu son frère dans une fusillade en 2016, dénonce le manque de réaction des pouvoirs publics. "On frappe en toute impunité, estime-t-elle. Il y a ce sentiment de surpuissance de ces narcotrafiquants. Mon frère est décédé en 2016. Alors qu’on connait les auteurs présumés, il n’y a rien qui est fait. On est sous la menace d’un classement sans suite parce que la justice n’a pas les moyens, parce que la police judiciaire n’a pas les moyens d’enquêter dignement. Ça gangrène une ville et il y a toujours plus de violence. Il y a un tel sentiment d’impunité…"
Aujourd’hui, Karima Meziene en est arrivée à déconseiller à ses proches de sortir le soir. "La réalité, c’est que ça n’est même pas que la nuit, explique-t-elle. Mais la nuit, moi, je leur déconseille d’aller dans des épiceries de nuit, de marcher… C’est vraiment une inquiétude. Moi, je dis à mes proches de ne plus le faire. Je leur avais dit d’éviter Marseille et de privilégier Aix-en-Provence. Mais on voit que même Aix-en-Provence, une ville plutôt calme, a eu ce même type de faits. Ce n’est pas un problème uniquement marseillais. C’est en train de gangréner toutes les villes de France. Ça devient hors de contrôle."