Pas d'enquête contre l'abbé Pierre: "Il n'y a pas grand chose à attendre des institutions"

Aucune enquête pénale ne sera ouverte pour établir des responsabilités dans les multiples accusations d'agressions sexuelles visant depuis l'été 2024 l'abbé Pierre: le prêtre est décédé en 2007 et la non-dénonciation des faits est couverte par la prescription.
La Conférence des évêques de France (CEF), qui avait annoncé sur RMC le 17 janvier avoir effectué un signalement auprès du parquet de Paris, a dit "regrette (sa)décision", "tout en la comprenant", a-t-elle déclaré à l'AFP. La demande d'ouverture d'enquête par l'Eglise s'inscrivait dans un contexte, en janvier, de neuf nouvelles accusations visant le prêtre, dont un viol sur un petit garçon.
"La République française se déclare incompétente"
Une conclusion "lâche" et révélatrice d'"un constat d'échec" dénonce ce mercredi auprès de RMC François Devaux, victime d'abus sexuels par un prêtre et fondateur de l'association La parole libérée. "Finalement, la République française se déclare incompétente. Le crime va perdurer tant que l'institution ne va pas se réformer. Les victimes doivent comprendre qu'il n'y a pas grand chose à attendre des institutions de la République pour la prise en considération des violences qu'ils ont subies. C'est assez douloureux."
Arnaud Gallais, cofondateur de l'association Mouv'Enfants qui lutte contre les violences faites aux mineurs, a réagi sur Franceinfo, demandant au ministère de l'Intérieur un allongement des délais de prescription en matière de non-dénonciation: "C'est scandaleux, c'est le fameux 'Grâce à Dieu, les faits sont prescrits", lance-t-il.
Il a également pointé sur le service public la responsabilité de la Conférence des évêques de France et d'Emmaüs car "ils ont tout fait pour orchestrer ce silence au niveau des victimes et maintenant ils viennent dire que quelque chose n'est pas normal".
La position de l'Eglise critiquée
Outre la déception, des victimes s'étaient aussi agacées de la demande de l'Eglise, à l'instar d'Arnaud Gallais. Ce dernier avait exprimé, auprès de RMC en janvier, son amertume face au signalement de la Conférence des Évêques de France: "Comme par hasard, tout le monde s'agite, il faut absolument faire son signalement, montrer que l'Église a changé. Ça sent l'opération de com' complètement réchauffée", avait-il déploré.
Rachel, qui affirme avoir été agressée sexuellement par le prêtre à l'âge de 8 ans, exprimait le même avis en janvier dernier: "Je trouve que la démarche en elle-même est très bien sauf qu'à mon sens, elle est un peu tardive. Ce temps perdu fait qu'il y a eu d'autres victimes", disait-elle.
Pour la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé, "le sinistre 'cas Abbé Pierre' démontre une nouvelle fois combien la prescription empêche les enfants devenus adultes" d'avoir droit à "l'accès à la justice".