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"Peut-être un péché d'optimisme": le suivi du suspect interroge après la mort d'une fillette dans les Vosges

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Après le meurtre de Rose (5 ans) dans les Vosges, le suivi socio-judiciaire du suspect, un adolescent de 15 ans déjà mis en examen dans une affaire de viol qui sortait d'un centre éducatif fermé, interroge. Plusieurs experts rappellent que les places dans les centres spécialisés manquent et que le suivi peut parfois être limité.

Après la stupeur, l'émotion. Une marche blanche en mémoire de Rose, 5 ans, doit avoir lieu ce samedi à Rambervilliers, dans les Vosges. La fillette a été retrouvée morte mardi chez un adolescent de 15 ans, qui a été placé en garde à vue. Son profil interpelle. Selon les premiers éléments, cet adolescent avait été mis en examen pour séquestration, viol et agression sexuelle sur un autre mineur l'an dernier.

En raison de son jeune âge, 14 ans à l'époque des faits, il avait été placé sous contrôle judiciaire avec un placement en centre éducatif fermé (CEF), une alternative à la prison qui ne peut pas durer plus d'un an. "Il a passé le maximum de temps en CEF qui est un lieu très cadrant, avec des spécialistes de santé et des éducateurs. Il y avait donc une vraie volonté de le recadrer", note Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne, dans "Apolline Matin" ce jeudi sur RMC et RMC Story.

À l'issue de son placement en CEF, en février dernier, l'adolescent était rentré chez lui à Rambervillers toujours sous contrôle judiciaire et avec un suivi éducatif dans l'attente d'un éventuel procès. "Entre sa sortie en février et son passage à l'acte, quelque chose a décompensé et a permis de nouveau ce passage à l'acte", ajoute la psychologue clinicienne.

Un manque d'encadrement entre la sortie du CEF et le passage à l'acte?

"Se pose la question de savoir s'il a fait son suivi, s'il a bien observé son traitement, s'il était encadré par des adultes, des majeurs responsables au niveau de l'autorité. Apparemment, non", explique Johanna Rozenblum, alors que le suspect vivait seul à proximité du domicile de ses parents. "Il y a quelque chose dans cette intervalle de temps qui n'a pas été suffisamment cadrant, permettant à ce jeune de décompenser une seconde fois et passer à l'acte".

L'expertise psychiatrique menée dans le cadre de l'instruction avait relevé "une déficience mentale légère", "une immaturité psycho-affective" et "un fonctionnement autocentré" chez le mineur, tout en concluant à "l'absence de troubles mentaux". En d'autres termes, le suspect est soumis à l'impulsivité, est intolérant à la frustration et résout ses volontés et ses pulsions par le passage à l'acte, sans empathie ni inhibition.

"Il peut y avoir un trouble de comportement, de personnalité qui, sans suivi ou sans traitement, peut prendre le dessus et passer sous une impulsion, sans se contrôler, et permettre le passage à l'acte", explique Johanna Rozenblum. Pour elle, lui avoir permis de quitter le CEF et de rentrer à Rambervilliers relève "peut-être" du "péché d'optimisme". "Y a-t-il eu une 'mésévaluation' de l'encadrement qu'il aurait pu avoir en retournant à la maison? Je le pense", ajoute la psychologue clinicienne.

D'autant que depuis le drame, les témoignages se multiplient sur les comportements du suspect. "Il avait tendance à s'approcher de jeunes enfants, pour avoir des gestes déplacés à caractère sexuel", a assuré le maire de Rambervilliers Jean-Pierre Michel. Selon plusieurs témoins, il avait déjà "accosté" des petites filles. "Il avait accosté une de mes nièces, une de mes cousines, des amies que je connais. Et que des petites filles", a assuré une voisine à BFMTV.

"Il y a de mauvais psys comme il y a de mauvais plombiers"

Ce drame était-il évitable? Y a-t-il eu une défaillance judiciaire? "Il y a eu plusieurs défaillances", estime sur le plateau des "Grandes Gueules" Nordine, éducateur spécialisé. "Je le constate sur mon secteur de 100.000 habitants. Aujourd'hui, pour faire admettre une jeune dans un centre psychiatrique ou psychologique, il n'y a aucune place, c'est totalement bouché", explique-t-il, évoquant une absence de peur de l'autorité chez les plus jeunes.

"La défaillance est multifactorielle", abonde Pascal Neveu, psychanalyste et directeur de l'Institut français de la psychanalyse. "La grosse problématique, c'est de pouvoir déceler une psycho-pathologie et de pouvoir la prendre en charge et ça, c'est extrêmement compliqué", ajoute-t-il, évoquant des professionnels parfois mal formés: "Il y a de mauvais psys comme il y a de mauvais plombiers", selon le psychanalyste.

Il pointe aussi l'accompagnement et le suivi: "On ne peut pas forcer un enfant à un suivi. Il peut ne pas venir également en consultation. Et même s'il y a un suivi socio-judiciaire, il va pouvoir venir simplement chercher une attestation mais il n'y aura pas de suivi en psychothérapie ou en psychanalyse", déplore Pascal Neveu.

Une nouvelle expertise provisoire pratiquée sur le suspect pendant sa garde à vue a révélé qu'il souffrait d'une "altération du discernement" et présentait une "dangerosité pour les autres", a assuré ce jeudi le procureur de la République d'Epinal Frédéric Nahon lors d'une conférence de presse. D'autres analyses doivent être effectuées.

G.D.