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"Plus facile d'avoir une arme qu'un CDI": il s’engage contre les rixes après avoir vengé son frère

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Après la mort de son frère dans une rixe en 2011, Adama Camara a voulu se venger et a été condamné à huit ans de prison. Président de l’association Sada, auteur du livre "N°55.852", il s’engage contre le phénomène des rixes.

Il s’appelait Sada, il avait 19 ans. En 2011, à côté de la gare de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), il est mort dans une rixe entre jeunes. Adama Camara, son frère, s’est vengé en blessant par balles des proches des coupables. Condamné à huit ans de prison, il s’est engagé dans la prévention de ces phénomènes de rixes, qui font de trop nombreuses victimes. "On se dit que c’est untel qui a tué notre frère, que c’est à cause de cette personne-là que notre famille est détruite, qu’on n’arrive pas à aller de l’avant, raconte l’auteur du livre "N°55.852" dans ‘Apolline Matin’ ce mercredi sur RMC et RMC Story. En pensant que l’antidote de ce poison, c’est la vengeance, j’ai décidé un jour de me venger. Je me suis dit que lorsque j’allais venger mon frère, je me sentirais mieux. Et que ma mère allait moins pleurer."

"Malheureusement, c’est plus facile de se procurer une arme que d’avoir un CDI, poursuit Adama Camara, président de l’association Sada, le prénom de son frère. C’est ce qui est triste. Je décide de venger mon frère en espérant me sentir mieux, une chose qui est totalement fausse. Je tire sur cette personne et je n’ai même pas un sentiment de satisfaction. Je me dis que c’est une fausse idée ce qu’on pense sur la vengeance. Œil pour œil, dent pour dent, on pense que ça va fonctionner dans notre cœur, alors que non."

"Il y a une énorme éducation sur la justice à faire"

Désormais, Adama Camara tente de convaincre les jeunes, au collège et au lycée, de renoncer aux rixes et de résister à la tentation de la vengeance. "Il y a trois, quatre ans, lorsque j’ai commencé, je m’adressais à des collégiens de 3e et des lycéens, explique-t-il. Aujourd’hui, je m’adresse à des classes de 5e. J’ai même peur que l’année prochaine, je m’adresse à des classes de 6e. Ils connaissent ce phénomène de rixes, ils n’ont pas froid aux yeux. J’essaye de les mettre en situation. Je leur demande de quoi part une rixe, on va me parler soit d’un regard, soit des réseaux sociaux. L’escalade commence, on en arrive à la bagarre, plusieurs personnes contre une seule, un décès. Pour un regard…"

Et du haut de leur douzaine d’années, ces ados méconnaissent les conséquences que peuvent avoir leurs actes. "Lorsque je leur dis qu’après 48 heures de garde à vue, un juge décide de les mettre en prison, ces jeunes-là me disent: ‘Non, ce sont mes parents qui vont en prison’. Donc je leur dis que non, qu’à partir de 13 ans on est responsable pénalement et qu’on peut aller en prison. Ce n’est pas qu’ils n’ont pas peur, mais qu’ils n’ont même pas conscience qu’ils peuvent aller en prison. Il y a une énorme éducation sur la justice à faire dans les établissements, pour parler aux jeunes des conséquences, de ce qu’ils risquent. On a tendance à entendre dans les quartiers: ‘T’es mineur, tu ne risques rien’. Ce n’est pas vrai."

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"Les jeunes me disent que ça a l’air facile, la prison"

Pour avoir fait plusieurs années de prison, Adama Camara est bien placé pour déconstruire l’image parfois "sympa" relayée sur les réseaux sociaux de la vie derrière les barreaux. "C’est le constat, amer, que je fais quand je travaille dans les établissements. Sur les réseaux sociaux, surtout Tiktok, on voit beaucoup de tutos sur les détenus, qui font à manger, qui font du sport. Quand je leur pose la question, les jeunes me disent que ça a l’air facile, la prison. Et que si t’as un téléphone, t’es tranquille... C’est dur, la prison. On est enfermé 22 heures sur 24. On est coupé du monde, de la famille. On a beau avoir un téléphone, on est limité. Ce n’est pas ce qui va faire qu’on va être bien. Une vidéo, ça dure une minute. Cela ne reflète pas l’univers carcéral, entre les violences, les parloirs, les fouilles, l’humiliation…"

Le frère de Sada plaide pour "plus de prévention et moins de répression", pour lutter contre les rixes. "Quand un jeune décède, on est directement dans la répression. Mais qu’est-ce qu’on fait avant que ce jeune décède? Avant que les jeunes tombent dans les rixes? J’ai l’impression qu’il faut même sensibiliser les élémentaires, avant qu’ils arrivent dans la cour des grands, au collège. Il faut aussi les sensibiliser aux réseaux sociaux, parce que pour moi c’est un poison pour la jeunesse." Et souvent l’origine des drames.

LP