Préfectures saturées: des salariés étrangers attaquent l’État pour carence administrative

RMC s’engage avec vous reçoit constamment des appels à l’aide d’étrangers réguliers qui vivent et travaillent en France depuis des années. Et pourtant, ils se retrouvent sans papiers et sans emploi, du jour au lendemain, parce que les préfectures sont débordées.
C’est le cas de Priscila, une Brésilienne, mariée à un Français depuis 16 ans, dont les enfants sont nés en France. Elle vit à Menton et elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour dans les temps, comme d’habitude, en 2021. Mais la préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas répondu. Devenue travailleuse sans papiers, elle s’est fait licencier en juin dernier.
“Comment je vais manger, payer mon loyer? Il n’y a pas d’empathie. Les gens ne se mettent pas à notre place. La seule chose qu’on demande, c'est un document pour travailler”.
Comme elle n’a plus de titre de séjour, elle ne touche même pas le chômage, alors qu’elle a cotisé. Et quand elle s’est rendue en préfecture pour se plaindre, voici ce qu’on lui a répondu…
“L’agent administratif m’a clairement dit, devant mon mari qui est français: ‘Si vous n'êtes pas contente, vous n'avez qu’à quitter la France’. On est où là? De quel droit elle peut me dire cela?”, questionne-t-elle.
Un phénomène d’engorgement qui concerne toutes les préfectures de France
Priscila n’est pas la seule, sur la trentaine de mails d’auditeurs reçus depuis le début de l’année. Et cette tendance est confirmée par les associations, surtout depuis la dématérialisation totale des démarches, post-Covid. La situation est telle que certains avocats passent aujourd’hui plus de temps à attaquer l'État devant les tribunaux, simplement pour obtenir un rendez-vous en préfecture pour leurs clients…
Maître Emma Léoty, qui défend Priscila et une vingtaine d’autres salariés étrangers, décide aujourd’hui de frapper fort: elle engage une action collective inédite contre l’État pour carence administrative.
“On touche aux droits de l’homme, quelque part. Pour moi, clairement, il y a une faille, une carence de l’État, qui tarde à délivrer ces titres de séjours. On se retrouve dans une impasse avec des gens qui se retrouvent sans rien, et ils ne peuvent pas bénéficier des droits au chômage”.
“Donc c’est la double peine, la double sanction”, conclut-elle. En juin dernier, l’État a été condamné pour la première fois devant un tribunal (Melun, NDLR) à verser 800€ de dommages et intérêts à un salarié étranger qui avait perdu son emploi faute de réponse de la préfecture.
Comment aider Priscila?
Après avoir contacté la rédaction, Priscila a fini par obtenir un rendez-vous en préfecture. Depuis jeudi dernier, elle a un nouveau titre de séjour, mais seulement pour trois mois.
Si l’administration n’a toujours pas renouvelé ses papiers d’ici janvier, elle devra encore se battre. Mais RMC s’engage à ses côtés et transmettra son dossier, ainsi que ceux de tous nos auditeurs, à la Défenseure des droits.