Procès Fillon: ce que les juges reprochent à François Fillon, son épouse Penelope et Marc Joulaud

L'affaire François Fillon ou la "discrète" collaboratrice parlementaire. François Fillon, son épouse Penelope et son ancien suppléant à l'Assemblée Marc Joulaud devaient être jugés dès lundi à Paris dans l'affaire des emplois présumés fictifs de la femme de l'ex-Premier ministre.
Le procès de l'ancien Premier ministre, tout juste ouvert, a été reporté à mercredi après-midi en raison du mouvement de grève des avocats. Le tribunal correctionnel a fait droit à une demande de renvoi de la défense, qui sollicitait le report de la première journée du procès prévu jusqu'au 11 mars, en soutien à la grève des avocats contre la réforme de leur régime autonome de retraite.
François Fillon et son ex-suppléant Marc Joulaud, qui ont salarié Mme Fillon comme collaboratrice permanente lorsqu'ils étaient députés de la Sarthe pour des prestations jugées "fictives ou sur-évaluées", sont renvoyés pour "détournement de fonds publics". Penelope Fillon est jugée pour complicité et recel de ce délit. Elle aurait perçu 1,054 million d'euros pour des contrats de 1998 à 2002, 2002 à 2007, puis 2012-2013.
Penelope Fillon, qui avait commencé à travailler pour son mari dès 1981, gérait son agenda local, le courrier parlementaire et rédigeait des mémos, soutient la défense. Cette collaboration était essentiellement "orale" et les notes manuscrites au fur et à mesure détruites.
Pour les juges d'instruction, l'emploi de Pénélope Fillon, sur une période de 30 ans, comme assistante parlementaire de François Fillon, ou de son ex-suppléant Marc Joulaud, "fictif, ou surévalué". Ils en veulent pour preuve... l'absence de preuves: pas d'agendas, pas d'échanges avec la plupart des autres collaborateurs, rien non plus dans les ordinateurs du couple qui en attesterait.
Mais pour François Fillon les fonctions de sa femme étaient réelles: relire des discours, préparer des mémos; traiter le courrier... depuis leur domicile de la Sarthe... des prestations orales et intellectuelles sans trace écrite, ou sur des feuilles volantes explique-t-il.
Des prestations payées 40€ de l'heure par exemple entre 2002 et 2007, les autres assistants gagnant en moyenne 12€ de l'heure. Pour les juges ces contrats n'avaient qu'un but :"Augmenter leurs revenus".
Le couple s'en défendra à la barre, selon l'entourage de Pénélope Fillon elle assistera au procès "combative", et ne se laissera pas "impressionner".
Les emplois des enfants
François Fillon est aussi soupçonné d'avoir "accaparé" les fonds disponibles de son crédit collaborateur en employant successivement, de 2005 à 2007, ses deux aînés Marie et Charles comme assistants parlementaires alors qu'il était sénateur de la Sarthe.
Pour les magistrats, se pose là aussi la question de "la réalité" de leur travail, alors que Marie Fillon cumulait cet emploi avec un stage à plein temps dans un cabinet d'avocats et que son frère rédigeait un mémoire de DEA. Les salaires perçus, évalués à 117.400 euros, étaient reversés en grande partie à François Fillon.
Les enfants Fillon n'ont pas fait l'objet de poursuites. Leur mère est jugée pour recel.
La conseillère littéraire mystère
Sur le point de quitter Matignon, au printemps 2012, François Fillon avait sollicité son ami de plus de trente ans Marc Ladreit de Lacharrière, patron de la société Fimalac, pour qu'il emploie son épouse qui "s'ennuyait".
Le milliardaire avait embauché Mme Fillon comme conseillère littéraire au sein La Revue des deux mondes. Censée réfléchir à la relance de ce titre qui périclitait, elle se proposait aussi de rédiger des notes de lecture. Seules deux seront publiées à l'automne 2012.
Pour les magistrats, cet emploi de conseillère était uniquement destiné à satisfaire la demande d'un "homme politique influent". Le directeur de la revue et ses salariés ignoraient que Penelope Fillon était rémunérée comme telle et aucune trace de cette activité n'a été retrouvée. Elle la cumulait en outre avec un nouvel emploi d'assistante parlementaire de son époux, élu député de Paris, et avec une reprise d'études.
S'estimant "sous-employée", Penelope Fillon avait démissionné en décembre 2013, peu après avoir mis fin à sa collaboration parlementaire.
Marc Ladreit de Lacharrière a plaidé coupable pour un emploi en partie fictif, rémunéré à hauteur de 135.000 euros. Il a été condamné en décembre 2018 à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 375.000 euros d'amende pour abus de biens sociaux. Les époux Fillon comparaissent pour complicité et recel de ce délit.
Le prêt "oublié"
François Fillon est également jugé pour avoir omis de déclarer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) un prêt de 50.000 euros accordé par Marc Ladreit de Lacharrière en mai 2012.
Ce prêt, destiné à financer des travaux de rénovation de sa maison, avait été remboursé après le déclenchement de l'affaire.
L'ex-député, qui avait déclaré à la HATVP un prêt bancaire d'un même montant et ayant la même finalité, a dit ignorer qu'il fallait déclarer les prêts entre particuliers.