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Police-Justice

Rétrospective Polanski à la Cinémathèque: "On crache à la figure des victimes"

Roman Polanski en mai 2017 à Cannes.

Roman Polanski en mai 2017 à Cannes. - AFP

A partir de ce lundi 30 octobre, la Cinémathèque française à Paris ouvre une rétrospective Roman Polanski. Une initiative que contestent les associations féministes, qui tentent de faire annuler l'événement, alors que le cinéaste est accusé par cinq femmes d'agression sexuelle ou et de viol. Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association "Osez le féminisme", regrette le maintien de la manifestation.

Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association "Osez le féminisme". Elle sera présente lundi à 19h30 pour un rassemblement devant la Cinémathèque française pour protester contre la tenue de la rétrospective Roman Polanski.

"Encore une fois, la Cinémathèque est en train de construire l'impunité des agresseurs en permettant à Polanski, qui est quand même accusé de cinq viols sur mineurs, d'être loué, d'être célébré. Le tout sans qu'on ne réfléchisse jamais à ce que ça veut dire pour les femmes de voir un tel agresseur porté aux nues ans aucune remise en cause.

"C'est au-delà du mauvais goût, c'est de l'indécence"

Visiblement, la Cinémathèque est enfermée dans une immense hypocrisie à propos des violences masculines. En janvier, elle a programmé Jean-Claude Brisseau, qui lui a carrément été condamné pour harcèlement sexuel. Il y a vrai déni, un vrai mépris des violences masculines, et de ce que ça veut dire pour les victimes. Donc on va essayer de les faire reculer, mais ça a l'air compliqué. La direction de la Cinémathèque est enfermée dans ses positions et ose parler de "lynchage médiatique". Dire que des femmes qui s'indignent de voir un agresseur à ce point-là célébré organisent un "lynchage", c'est au-delà du mauvais goût. C'est de l'indécence.

Différencier l'homme de l'oeuvre? Ça ne veut pas dire grand-chose. Dans l'ensemble des études artistiques, qu'il s'agisse de critiques littéraires, cinématographiques ou musicales, on apprend aux élèves à analyser une œuvre dans son contexte. A avoir des éléments de biographie sur l'auteur. Moi je me demande vraiment si le ministère de la Culture ou la Cinémathèque assumeront de rentrer dans l'histoire dans 10 ou 20 ans comme ayant protégé un agresseur parce qu'il aurait du génie.

"Lorsqu'il s'agit d'agression sexuel, le génie excuse"

On crache à la figure des victimes. Ça veut dire qu'il y a encore du boulot. Il y a quand même quelque chose de particulier: que vient faire le génie là-dedans? Le mec serait plombier, ça ne viendrait à l'esprit de personne de mettre son visage en grand sur une affiche. Il aurait tué des gens, fait un cambriolage, ça ne viendrait à l'idée de personne. Par contre violer des femmes et des enfants, ça passe. Lorsqu'il s'agit d'agression sexuel, le génie excuse.

Ce qui est paradoxal c'est que la culture de l'impunité s'adapte. Certes il y a des témoignages depuis quelques semaines et l'affaire Weinstein. On se dit qu'ils vont permettre de faire condamner les agresseurs. Mais contre Polanski, il y a des témoignages depuis 1978, et il y a encore des gens pour le défendre. C'est particulièrement malsain. On espère pouvoir faire annuler cette rétrospective, ou faire annuler sa venue. Après tout, il n'est pas venu aux César en début d'année…"

La Cinémathèque "n'entend se substituer à aucune justice"

Dans un communiqué de presse diffusé la semaine passée, la Cinémathèque a défendu la tenue de la rétrospective Roman Polanski. "Fidèle à ses valeurs et à sa tradition d'indépendance, La Cinémathèque n'entend se substituer à aucune justice. Son rôle de Musée du cinéma ne consiste pas à placer qui que ce soit sur un quelconque piédestal moral. Ceux qui nous reprochent cela ne mettent jamais les pieds dans nos salles et ignorent tout de nos missions de conservation et de transmission", écrit-elle. Elle rappelle par ailleurs que "Roman Polanski vit et travaille en France depuis plus de quarante ans, alors que ses films sont systématiquement soutenus par le CNC" et que c'est donc "tout naturellement que La Cinémathèque française lui consacre une rétrospective".

Propos recueillis par Antoine Maes