UBS, le géant de la finance joue gros devant la justice française
Le groupe suisse UBS, sa filiale française ainsi que 6 hauts responsables de la banque en France et en Suisse sont jugés devant le tribunal correctionnel de Paris à partir de ce lundi et jusqu'au 15 novembre.
Au cœur du système, des banquiers suisses, les chargés d'affaires d’UBS. Ils viennent en France pour démarcher la clientèle de leurs collègues banquiers français. La prise de contact se fait lors de compétitions de golf, de tennis, de parties de chasse ou encore de concerts de musique classique, des événements organisés ou sponsorisés par UBS.
Après chaque événement, le service marketing demande des comptes
Les banquiers suisses y parlent sport ou culture mais surtout avantages financiers à contourner le fisc français. "Un ratissage nauséabond pratiqué de manière industrielle", selon un cadre de la banque française mis en cause aujourd'hui. Il rapporte "la pression intense" de la banque suisse sur les équipes. Après chaque événement, le service marketing demande des comptes, chaque chargé d'affaires doit dire combien d'argent et de nouveaux clients il a rapporté. On est loin d’une visite de courtoisie.
Pour masquer les mouvements de capitaux entre la France et la Suisse, un registre des reconnaissances d'affaires entre les banquiers suisses et français est mis en place au moins jusqu’en 2009. Cette comptabilité clandestine, tenue au crayon à papier ou dans des tableaux Excel est connue sous le nom des "carnets du lait".
Des témoignages recueillis pendant l'instruction révèlent la grande discrétion demandée aux chargés d'affaires. On leur demande d'utiliser des ordinateurs chiffrés, de cacher les avoirs offshores des clients vis à vis des autorités. La méthode a porté ses fruits, jusqu’à 10 milliards d’euros ont ainsi échappé à l’administration fiscale.
Jusqu'ici les établissements financiers poursuivis pour blanchiment de fraude fiscale ont préféré payer une amende plutôt que d'affronter un procès
La banque UBS suisse comparaît à partir de ce lundi à Paris pour "démarchage bancaire illégal" et "blanchiment aggravé de fraude fiscale", sa filiale française pour "complicité" des mêmes délits. UBS suisse conteste toutes ces accusations, du démarchage illicite jusqu'au blanchiment de la fraude fiscale. L'entreprise reporte la faute sur des salariés qui auraient outrepassé les règles pourtant accessibles sur l’intranet, ce dont les salariés affirment ne pas avoir eu connaissance.
Jusqu'ici, les établissements financiers poursuivis pour blanchiment de fraude fiscale ont préféré payer une amende plutôt que d'affronter un procès. Un arrangement appelé convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), rendu possible par la loi Sapin II de 2016. La filiale Suisse de HSBC a ainsi payé 300 millions d'euros l'an dernier. Aucun accord n'a été trouvé avec UBS Suisse qui entame donc un procès à l'issue incertaine.
Reste à savoir si la justice pénale française va oser appliquer des sanctions financières
Le montant de la caution payée par la banque donne le ton : un milliard d'euros, un record. Les amendes encourues atteignent aussi des niveaux jamais égalés. Les employés d'UBS risquent jusqu'à la moitié des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, soit 5 milliards d'euros. La banque, elle, risque cinq fois plus, soit 25 milliards d'euros. Reste à savoir si la justice pénale française va oser appliquer des sanctions financières qui peuvent la pénaliser. "Condamner les petits trafiquants on sait faire, selon un magistrat qui connait bien les dossiers financiers. Mais condamner des établissements aussi puissants que des états, c’est tout l’enjeu de ce procès". Si la sentence est clémente les banques pourraient en effet préférer un procès long et coûteux pour la société plutôt que de payer une amende devant la CJIP à l'avenir.
Le bras de fer est engagé et UBS Suisse et sa filiale comptent sur les plus gros cabinets d’avocats du droit pénal des affaires pour user tous les recours pour faire renvoyer l'affaire. Cette première semaine de procès devrait d'ailleurs être consacrée à des questions de procédures qui devront être tranchées avant de savoir si les débats pourront avoir lieu.