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Police-Justice

Un policier renvoyé aux assises pour des tirs mortels sur Olivio Gomes, un homme de 28 ans, en 2020

Un policier (Photo d'illustration)

Un policier (Photo d'illustration) - AFP

Un policier auteur de tirs mortels sur Olivio Gomes, un automobiliste de 28 ans qu'il avait pris en filature, en 2020 à Poissy dans les Yvelines, a été renvoyé lundi 29 janvier 2024 devant une cour d'assises pour meurtre.

Décision rare, un policier comparaîtra bientôt devant une cour d'assises pour meurtre: le fonctionnaire de la BAC a été renvoyé lundi 29 janvier en procès pour avoir tué par balles Olivio Gomes, un automobiliste qu'il avait pris en filature, en 2020 à Poissy.

Le policier de la BAC de nuit de Paris est accusé d'avoir tué Olivio Gomes après l'avoir pris en filature jusqu'en bas de chez lui dans la cité Beauregard, dans la nuit du 16 au 17 octobre 2020. Durant l'instruction, le policier a reconnu être l'auteur des tirs mais a nié toute intention d'homicide.

La voiture d'Olivio Gomes avait été repérée par le fonctionnaire, âgé de 29 ans au moment des faits, et deux de ses collègues de la BAC, faisant "des embardées entre les voies au milieu d'une circulation importante" sur le boulevard périphérique parisien, selon les déclarations des policiers à l'IGPN, la "police des polices", citées dans l'ordonnance de mise en accusation consultée par l'AFP.

À bord de la voiture, en plus d'Olivio Gomes, se trouvaient deux passagers de 29 et 33 ans, tous originaires des Yvelines.

Les policiers contredits

Pendant plusieurs kilomètres, les policiers ont suivi la voiture sur le boulevard périphérique puis sur l'A13, sans se faire remarquer. Une première version des policiers évoquait un refus d'obtempérer.

Leur version a été contredite par l'exploitation des caméras de surveillance sur le périphérique, montrant que le véhicule d'Olivio Gomes roulait vite mais sans enfreindre le code de la route, indique l'ordonnance de mise en accusation.

Le conducteur, sans permis et sous l'emprise de l'alcool et du cannabis, a ensuite immobilisé sa voiture à Poissy, en bas de sa résidence. Expliquant que le conducteur a redémarré et lui a foncé dessus, le policier mis en cause a indiqué avoir ouvert le feu.

Olivio Gomes a été touché par trois tirs: à l'épaule, au cou et à l'omoplate gauche. Le deuxième, fatal, lui a perforé les deux poumons. Une information judiciaire pour meurtre avait été ouverte le 21 octobre 2020 et le policier mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

"Cette décision est conforme aux éléments du dossier malgré les dénégations. La famille attend donc que justice soit rendue complètement", a réagi lundi auprès de l'AFP Me Pape Ndiogou Mbaye, avocat de la famille.

Pour Léonel Gomes, le frère d'Olivio Gomes, le procès à venir "est un soulagement, mais ce n'est pas encore une victoire".

"Mon frère ne reviendra pas, mais notre but, c'est de prouver à tout le monde qu'un policier qui tue peut être puni", a-t-il ajouté.

Contacté par l'AFP, Me Laurent-Franck Liénard, conseil du policier, a indiqué ne pas être en mesure de s'exprimer, n'ayant pas eu connaissance de l'ordonnance de mise en accusation.

Tirs disproportionnés

Ce document indique que son client a contesté avoir voulu tuer Olivio Gomes, "indiquant avoir tiré pour protéger sa vie".

Mais selon les conclusions de la juge d'instruction, ces trois tirs n'étaient pas une solution "proportionnée": l'analyse des trajectoires des deux derniers tirs, "de profil par rapport au conducteur" puis "d'arrière en avant", "démontre très clairement que le véhicule passait devant lui et qu'il ne se trouvait pas sur la trajectoire d'un véhicule lancé à vive allure contre lui qui s'apprêtait à le percuter".

En outre, les faits ne sont pas intervenus "à l'issue d'une course-poursuite" et "aucun élément objectif" ne démontrait la dangerosité du conducteur ou des passagers: la situation "ne paraît pas alors être génératrice d'un stress anormal ou (...) supérieur à ce qu'un policier normalement entraîné doit être capable d'affronter".

"Individu rompu au maniement des armes, (le policier) a délibérément fait feu à trois reprises sur Olivio Gomes avec une arme létale, à courte distance, en visant et atteignant le torse de la victime, ce dont il peut être déduit qu'il était animé d'une intention homicide au moment des faits", détaille l'ordonnance de mise en accusation.

Les investigations ont aussi montré que le policier pratiquait assidûment le tir sportif et qu'il possédait cinq armes "à titre personnel", en plus de son arme de service.

Membre d'un club de tir, il a continué à le fréquenter et à effectuer des séances de tir en 2021, dont deux avec son arme de service, indique l'ordonnance. Son contrôle judiciaire lui interdit pourtant de porter une arme.

CA avec AFP