"Une descente aux enfers": ouverture du procès de l'AP-HP après le suicide d'un cardiologue

Huit ans après le suicide d'un cardiologue, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) est renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris ce mercredi, jugée pour harcèlement moral, tout comme l'ancienne directrice de l'hôpital Georges-Pompidou, Anne Costa, et trois professeurs de l'établissement, responsables hiérarchiques du cardiologue. Ils ont été mis en examen pour harcèlement moral, après cinq ans d'instruction.
Le 17 décembre 2015, en milieu d'après-midi, le professeur Jean-Louis Mégnien, 54 ans, s'était jeté par la fenêtre du septième étage de l'hôpital Pompidou. Il venait tout juste de reprendre le travail, trois jours avant, après un arrêt maladie de neuf mois.
"Des manœuvres et des maltraitances"
Certains collègues avaient rapporté "sa descente aux enfers" depuis deux ans. Ils dénonçaient les "manœuvres" et les "maltraitances" de ses supérieurs pour que le poste de chef de service de médecine préventive cardio-vasculaire qu'il convoitait lui échappe et qu'il soit finalement "placardisé". Ils assurent qu'un avertissement sur la souffrance de ce médecin et ses risques suicidaires n'avait pas été pris en compte. Or, rien dans la vie privée de Jean-Louis Mégnien ne peut expliquer la dégradation de son état, d'après les juges d'instruction.
Les magistrats ont dénoncé les agissements, propos et comportements de "déconsidération et de déstabilisation", une "stratégie d'isolement", une "mise à l'écart", et "la limitation de ses moyens matériels et humains". Cela a porté "gravement atteinte à ses droits, sa dignité et son avenir professionnel".
Point d'orgue de cela, le maintien du déménagement de son bureau à son retour au travail après neuf mois d'arrêt maladie. C'est d'ailleurs depuis la fenêtre du bureau qu'il ne voulait pas quitter que le cardiologue a décidé de se suicider.
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Un plan avait été mis en place après ce suicide
Le suicide du cardiologue avait libéré la parole sur la souffrance au travail des médecins, mettant en lumière l'absence de prévention et de prise en charge. Un plan pour "mieux prévenir les risques psychosociaux dans les hôpitaux" avait été mis en place un an après.
En 2015, son épouse avait rapidement déposé une plainte auprès du parquet de Paris, qui avait ouvert une enquête pour harcèlement moral, puis une information judiciaire en février 2016. La première journée d'audience a porté sur des questions de droit, la défense des prévenus réclamant la nullité de la procédure et l'annulation de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal.
"Le dossier a été mal traité", a avancé l'un des avocats de la défense, un argument sèchement rejeté par le parquet.
Les conseils des deux parties et le parquet se sont retrouvés, en revanche, pour contester la constitution de partie civile d'une association "sans aucun lien" avec la famille du professeur Mégnien. Le procès est prévu jusqu'au 7 juillet.