"Une grenade a explosé à mes pieds": un manifestant blessé témoigne de la violence à Sainte-Soline

Un manifestant toujours entre la vie et la mort après le rassemblement du week-end à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. De violents affrontements ont éclaté entre les forces de l'ordre et des manifestants opposés à la construction d'une bassine, un réservoir destiné à l’irrigation agricole, qui stocke de l'eau puisée dans les nappes phréatiques.
Selon les organisateurs, qui dénoncent des "violences policières sidérantes de brutalité", 200 manifestants ont été blessés, dont 40 grièvement. Les autorités avancent, elles, le chiffre de sept manifestants blessés dont trois pris en charge en urgence absolue, ainsi que 47 gendarmes blessés dont deux pris en charge en urgence absolue et qui sont désormais en urgence relative.
Une enquête a été ouverte "pour déterminer la nature exacte" des blessures graves des trois manifestants, a indiqué le procureur de la République de Niort. Les organisateurs de la mobilisation dénoncent également le temps qu’ont mis les secours à arriver: ils accusent la gendarmerie d’avoir fait entrave.
L’émotion fait trembler sa voix lorsque Mathilde évoque l’attente des secours sur une route où des blessés étaient alignés.
“C’était hyper difficile à vivre de voir qu’il y avait une personne qui était en danger et qu’on refusait l’accès aux secours”, indique-t-elle.
La manifestante raconte les multiples appels sans effets. “Le Samu répondait que les gendarmes leur disaient de ne pas venir alors qu’à ce moment-là, la situation était calme. Il y avait dans le même temps un camion de pompiers qui arrivait pour évacuer d’autres blessés, mais il a été bloqué à 200 mètres de là par deux voitures de gendarmes”, appuie-t-elle.
Un dispositif de sécurité trop violent?
Parmi les personnes blessées, Camille. Ce manifestant raconte pour RMC ce qui s’est passé.
“Une grenade à dispersion a atterri à mes pieds. Elle a explosé et c’est allé dans ma fesse droite. Je me suis retrouvé dans le champ en train de tousser et là, je mets la main sur ma fesse et je regarde, j’avais la main en sang, le jogging trempé de sang. Là, j’ai commencé à m’évanouir. Et donc j’ai un cratère, un trou plus gros qu’un œuf”, indique-t-il.
Pour lui, tout s’est joué à une fraction de seconde. “Si je ne me retourne pas un quart de seconde, je pense que je suis stérile à vie, je n’ai plus de testicules. C’était un film de guerre. J’étais en larmes et en colère parce qu’on en vient à avoir un rapport de force complètement stupide, comme des gamins dans la cour de l’école, 'tu m’as jeté un truc alors je t’en jette un'. Nous, à la base, on vient manifester pour l’eau. On parle des nappes phréatiques, on parle des agriculteurs. Comment c’est possible de mettre un dispositif policier aussi comme ça? À un moment, il faut comprendre, il faut laisser. Comment ça se fait qu’ils protègent avec autant de violence?”, appuie-t-il.
Une plainte à venir?
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, dénonce “un cauchemar qui a duré beaucoup trop longtemps”. “Moi, je me sentais tellement inutile à être avec mon téléphone avec un colonel qui me faisait croire que les pompiers n’avaient pas été appelés, qu’on était là où il ne fallait pas être”, explique-t-il.
Car la préfecture des Deux-Sèvres se défend: difficulté à localiser les blessés, à les approcher alors que “les affrontements se poursuivaient”, dit-elle. Ils ont préféré le maintien de l’ordre, répond Lionel Brun-Valicon, le secrétaire général adjoint de la Ligue des droits de l'homme.
“Un dispositif de maintien de l’ordre qui se donne comme unique objectif la sécurisation, met en péril la protection des personnes y compris par les services soignants”, assure-t-il.
L’Etat est donc responsable des blessures et de l’obstruction de soins pour certains, insiste un organisateur, qui réfléchit à porter plainte. Du côté de la gendarmie, on affirme que la réponse était proportionnée. "La gendarmerie est là pour absorber la violence. Elle agit toujours en réaction de manière graduée et proportionnée. On a eu un emploi de la force et un usage des armes qui a été fait justement parce que cela était nécessaire. Quand on voit les images, elles sont parlantes. On voit qu’il y a eu un vrai déferlement de violences de la part d’un millier d’éléments radicaux qui sont venus à l’offensive. Ils ont été arrêtés par la gendarmerie dont l’objectif était vraiment de les mettre à distance", explique la porte-parole de la gendarmerie nationale, Nassima Djebli.