Vingt ans après les menaces du groupe "AZF" contre le réseau ferré, deux personnes au tribunal

C’est le procès d’une affaire hors norme qui s’ouvre ce mardi à Paris: celui du mystérieux "groupe AZF". Il y a vingt ans jour pour jour, ce soi-disant groupuscule terroriste menaçait de faire exploser des bombes sur le réseau ferroviaire français, si l’Etat ne lui versait pas des millions d’euros de rançon.
Deux bombes avaient été retrouvées en 2004 mais les suspects, eux, n’ont été arrêtés que 14 ans plus tard. Michel D., 76 ans, chef d'entreprise à la retraite, et une de ses anciennes employées, Perrine R., 61 ans, formatrice en bâtiment, doivent répondre devant le tribunal correctionnel d'association de malfaiteurs et fabrication et détention sans autorisation d'engins explosifs.
La qualification terroriste, un temps envisagée, a été finalement abandonnée au cours de l'instruction et évité aux deux suspects la cour d'assises. Leur procès, initialement prévu en juin dernier, a été renvoyé afin d'"aborder ce dossier sereinement", avait alors indiqué la présidente de la 14e chambre correctionnelle.
L'affaire avait éclaté il y a vingt ans, quand un groupe dénommé "AZF" avait assuré avoir enfoui "une série de bombes" sous le ballast de voies ferrées et promettait de les faire exploser à défaut du versement par l'État d'une rançon de 4 à 8 millions d'euros.
Les menaces avaient été prises très au sérieux à l'Elysée et au ministère de l'Intérieur, qui avaient reçu entre décembre 2003 et mars 2004 neuf lettres signées AZF, un sigle jusque-là inconnu se présentant comme "groupe de pression à caractère terroriste secrètement créé au sein d'une confrérie laïque à spécificité éthique et politique".
L'affaire avait été également marquée par la rocambolesque correspondance, via la rubrique "Messages personnels" du quotidien Libération, entre "Mon gros loup" (AZF) et "Suzy" (police) afin d'organiser comme un jeu de piste le largage de la rançon par hélicoptère.
"Sans rancune"
Sur les indications du groupe, les autorités avaient retrouvé le 21 février 2004 une première bombe - "sophistiquée" et en état de fonctionner - sur la ligne Paris-Toulouse à hauteur de Folles (Haute-Vienne).
Une seconde bombe avait été découverte fortuitement par un agent SNCF le 24 mars 2004 dans l'Aube, sur la voie Paris-Troyes-Bâle. Le lendemain, "AZF" annonçait par courrier aux autorités la suspension de son action en précisant "sans rancune et à bientôt".
Le dossier aurait pu complètement tomber aux oubliettes sans la dénonciation, en septembre 2017, d'un proche de Perrine R. et Michel D. Interpellés en juin 2018, ils avaient immédiatement reconnu les faits, mais démenti avoir cherché à instaurer "la terreur" dans le pays, n'ayant jamais souhaité donner de publicité à leurs menaces.
"Cette opération n'a jamais été faite pour provoquer un accident ou un attentat", a assuré Michel D. à la barre lors de l'unique audience qui a précédé en juin dernier le renvoi du procès.
"Un coup de folie"
Se définissant comme "un peu inventeur", l'ancien chef d'entreprise avait expliqué aux enquêteurs que la rançon devait servir à réaliser des "prototypes opérationnels pour la production et l'utilisation d'énergies nouvelles non polluantes et illimitées".
"Nous sommes juste deux personnes ordinaires", a pour sa part indiqué au tribunal Perrine R.
"Michel D. reconnaît avoir été pris d'un coup de folie qu'il regrette aujourd'hui", a confié à l'AFP son avocate, Me Lucile Collot, avant la réouverture du procès.
"Néanmoins, les engins explosifs n'ont jamais eu vocation à exploser et la rançon demandée devait servir à financer un projet humaniste", a-t-elle souligné. "Vingt ans après les faits, l'absence totale de dangerosité de Michel D. est incontestable".
Les deux prévenus, sous contrôle judiciaire, comparaissent libres. Leur procès est prévu jusqu'à vendredi.