2012, l'élection la plus nombriliste du monde

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
Si on met à part la collection de belles idées habituelles comme l'aide aux pays pauvres et la paix au Proche-Orient, les programmes des candidats font presque l'impasse sur les sujets internationaux. En public, les candidats eux-mêmes préfèrent parler de l'apprentissage de l'informatique à l'école ou du remboursement des médicaments. Pourtant, il serait légitime de les entendre dire quelle politique étrangère ils mèneraient s'ils étaient élus. La France est la cinquième puissance mondiale - nous en sommes assez fiers - et il est acquis que le président dispose d'un « domaine réservé » qui en fait l'inspirateur de la politique étrangère. Pour de futurs inspirateurs, les candidats ne sont pas très inspirés...
Est-ce que la raison n'est pas, tout simplement, que ce n'est pas sur les sujets internationaux que les Français veulent départager les candidats ?
C'est possible, mais l'explication ne suffit pas. Tous les sondages montrent, en effet, que la politique étrangère n'est pas l'une des préoccupations principales des Français, mais c'est aussi le cas pour la sécurité et l'immigration et les candidats en parlent sans arrêt. Non, l'explication tient sans doute plus à notre ethnocentrisme national : ce mythe selon lequel la France aurait à la fois une influence sur la vie internationale et une indépendance vis-à-vis des autres nations - c'est-à-dire que nous pèserions sur le monde sans que le monde pèse sur nous. Dans ces conditions, pourquoi s'intéresser aux autres ? Au fond d'eux, tous les Français savent que ça ne peut plus être vrai - la crise l'a amplement démontré. Mais ils font comme si. Et les candidats aussi. C'est désolant.
Il y a quand même des questions internationales dans la campagne : le protectionnisme, l'immigration, ce ne sont pas des sujets franco-français...
C'est vrai, mais ils sont traités comme s'il pouvait y avoir des solutions franco-françaises. C'est la théorie inversée du nuage de Tchernobyl : à l'époque, on avait l'arrogance de croire que la menace s'arrêtait à nos frontières ; aujourd'hui, on fait mine de croire qu'ailleurs elle n'existe pas. Le protectionnisme, en effet, devrait être un sujet de débat essentiel, mais comme tous les candidats se sont ralliés peu ou prou à cette idée, le débat s'est arrêté. Sur la construction européenne, c'est à peu près pareil. François Hollande et François Bayrou, théoriquement les plus européens, ne parlent plus de fédéralisme. François Hollande promet, au contraire, un bras de fer sur le traité de 2011 et Bayrou ne jure que par le « produisons français ». Finalement, c'est encore Nicolas Sarkozy le plus européen - et il menace de sortir de Schengen, c'est dire !
Sur quels autres sujets internationaux les candidats devraient-ils se prononcer ?
L'avenir de l'Europe, donc - mais avec des propositions concrètes, pas du bla-bla institutionnel. La démocratie dans les pays musulmans : est-ce qu'il faut s'en réjouir ou en avoir peur ? Et les partenariats stratégiques de la France pour les 20 ans qui viennent : Nicolas Sarkozy privilégie l'atlantisme, François Hollande évoque la Méditerranée, Jean-Luc Mélenchon préfère la Chine, Marine Le Pen choisit la Russie et François Bayrou... on ne sait pas très bien (comme d'habitude). La campagne présidentielle, c'est le moment idéal pour trancher ces questions. Pour l'instant, entre le discours de nos candidats et ce qui se passe hors de nos frontières, il y a encore... un monde.
Ecoutez ci-dessous le podcast du Parti Pris d'Hervé Gattegno ce jeudi 29 mars 2012 :