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21 avril 2002: le coup d'éclat de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle qui a secoué la France

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Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen -mort ce jeudi à 96 ans- créait la surprise en accédant au second tour de l'élection présidentielle, en devançant le candidat socialiste Lionel Jospin. Un séisme dans le paysage politique français et un coup d'éclat pour la patron du FN avant sa défaite au second tour contre Jacques Chirac.

Ils attendaient Jospin, c'était Le Pen. Le 21 avril 2002 à 20h, le portrait de Jean-Marie Le Pen, mort ce mardi à l'âge de 96 ans, apparaît aux côtés de celui de Jacques Chirac à la télévision: le patron du Front national est parvenu à se hisser au deuxième tour de l'élection présidentielle face au président sortant, un coup de tonnerre pour la classe politique autant qu'un tournant pour l'extrême droite française.

L'"énorme surprise", telle que répétée sur les plateaux de télévision, n'en est en fait pas tout à fait une. Depuis le début de la semaine, les sondeurs constataient une remontée aussi fulgurante du "menhir" dans les intentions de vote que l'effondrement de celles pour le Premier ministre-candidat Lionel Jospin: si la tendance de l'un et l'autre se poursuivait, leurs courbes devaient alors se croiser.

Au QG du Front national, le parti fondé trente ans plus tôt qui ambitionne de réunir toutes les chapelles de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen exulte et chante Ray Ventura, "Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux", saluant au passage "la disparition du parti communiste".

Le "diable de la République", déjà condamné pour avoir comparé la Shoah à un "détail de l'Histoire" ou pour s'en être pris physiquement à une candidate socialiste cinq ans plus tôt, obtient son plus grand coup d'éclat.

Les manifestations monstres contre sa qualification durant les quinze jours précédant le deuxième tour ou les anathèmes lancés à l'unisson par l'ensemble de ses adversaires n'entament en rien son plaisir. Davantage attiré par le bousculement du jeu politique que par la conquête du pouvoir, Jean-Marie Le Pen entre dans l'Histoire à peu de frais.

>>> Notre direct ici - Mort de Jean-Marie Le Pen: l'Elysée transmet ses condoléances, la gauche tacle ses idées

Revanche

L'exploit est d'autant plus savoureux qu'il l'inscrit dans un face-à-face avec son ennemi juré, Jacques Chirac.

Le fondateur du RPR, parti qui se réclame du gaullisme, avait pourtant d'abord feint une forme d'indifférence vis-à-vis de Jean-Marie Le Pen au début des années 80 et des premiers succès électoraux du parti à la flamme, donnant son imprimatur à la fusion de listes RPR et FN lors d'une municipale à Dreux en 1983.

Lors de l'entre-deux-tours de la présidentielle de 1988 qui oppose le sortant François Mitterrand à Jacques Chirac, alors Premier ministre, ce dernier rencontre secrètement le troisième homme du premier tour, Jean-Marie Le Pen, qui a recueilli 15% des suffrages. Un an plus tôt, une poignée de main entre les deux hommes avait d'ailleurs été immortalisée sur un célèbre cliché. Mais aucun accord ne parvient à être conclu, ni consigne de vote donnée.

Après sa défaite, Jacques Chirac adopte alors une ligne politique intransigeante de "cordon sanitaire" avec le parti à la flamme, qui vaudra désormais, à quelques anicroches près, doctrine pour l'ensemble de la droite.

Après ces années de marginalisation, voire de diabolisation qu'il nourrit lui-même par ses outrances et provocations, Jean-Marie Le Pen tient ce 21 avril sa revanche.

La manifestation du 1er-Mai 2002 à Paris, qui rassemble des milliers de personnes contre Jean-Marie Le Pen pendant l'entre-deux-tours de la présidentielle.
La manifestation du 1er-Mai 2002 à Paris, qui rassemble des milliers de personnes contre Jean-Marie Le Pen pendant l'entre-deux-tours de la présidentielle. © AFP

L'apparition de Marine Le Pen

La soirée électorale coïncide avec l'apparition médiatique d'un nouveau visage du Front national: celui de sa troisième fille, Marine Le Pen.

Avocate devenue juriste pour le parti de son père, la benjamine de la fratrie n'avait jusqu'alors pas été pressentie pour reprendre quelque flambeau, promis à la fille aînée Marie-Caroline. Mais cette dernière est en 2002 en rupture de ban, partie avec son mari Philippe Olivier rejoindre les rangs du dissident Bruno Mégret.

Au coeur de cette nuit d'avril, sur un plateau de France 3, la jeune femme aux longs cheveux blonds se fait remarquer par son aplomb face à un ministre délégué nommé Jean-Luc Mélenchon.

Quinze jours plus tard, Jean-Marie Le Pen essuie le pire score recueilli par un candidat au second tour d'une élection présidentielle, 16,86%. "C'est peut-être mieux comme ça", souffle face caméra sa deuxième épouse, Jany Le Pen.

A défaut d'une accession à l'Elysée, celui qui avait été élu plus jeune député de l'Assemblée dans les années 50 - il siégeait parmi les poujadistes - a associé son nom à cette date du "21 avril", une épiphanie qui marque paradoxalement le début du déclin de sa carrière - il ne recueille que 10,44% des suffrages cinq ans plus tard.

Son oeuvre politique met dix ans à rebondir dans les mains de sa fille. Vingt-deux ans plus tard, le Front national rebaptisé Rassemblement national, est devenu le premier parti de France.

G.D. avec AFP