A Marseille, on invente «l'affront républicain»

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
A Marseille, on ne peut plus seulement parler d’une percée du FN mais d’une installation au cœur du jeu politique local. Il y a évidemment une reproduction des phénomènes nationaux – le ressentiment envers l’UMP, les divisions de la gauche, etc. Il y a aussi des causes locales, qui tiennent à situation économique et sociale de la ville, très pauvre et très endettée, mais aussi à une dégradation du climat civique, avec les problèmes de délinquance, de propreté, les grèves à répétition et, bien sûr, les « affaires » qui contribuent au discrédit des politiques. Dans ce laboratoire politique marseillais, le mélange de tous ces ingrédients crée une réaction chimique qui favorise le FN.
Il y a un sentiment de « tous pourris » ?
S’il y en a un, c’est injuste. Parce que le « système » frauduleux sur lequel la justice enquête, s’il a des liens étroits avec la politique, les marchés publics du département et de la communauté urbaine de Marseille, ce système n’implique pas les partis politiques mais des individus. C’est plutôt à gauche que les soupçons se portent, notamment sur le leader du PS, Jean-Noël Guérini, mais ce n’est pas toute la gauche. Simplement, comme il y a une omerta sur ces sujets, y compris chez beaucoup d’élus de droite, et qu’en plus la direction du PS a tout fait pour accréditer l’idée qu’elle soutenait ces pratiques envers et contre tout, ça n’a fait qu’alourdir les suspicions.
Comment va se passer le 2ème tour ? Est-ce que l’UMP et le PS appliquent les consignes nationales pour faire barrage au FN ?
Pas vraiment. Sur ce point, on retrouve les particularismes marseillais. L’UMP prône bien le ni-ni imposé par l’Elysée mais avec cette nuance qu’elle promet son soutien aux candidats socialistes qui se désolidariseraient de JN Guérini – pour l’instant, il n’y en a pas… Le PS, lui, n’appelle pas dans tous les cantons où il n’est pas qualifié à voter pour l’UMP. Dans les 2 cantons où des proches de Guérini ont été éliminés dès le 1er tour, c’est le silence complet. Et les Verts aussi se distinguent de leur ligne nationale, puisqu’ils ne soutiennent pas non plus les candidats liés à Guérini. Mais personne ne dit rien. Martine Aubry et Cécile Duflot préfèrent prendre le train pour la Sarthe…
Est-ce que dans un climat pareil, le FN peut compter avoir des élus ?
Paradoxalement, ce n’est pas sûr. Ça donne un intérêt supplémentaire à l’observation du laboratoire marseillais. En fait, le FN n’a de chances réelles d’obtenir des sièges que dans 2 cantons détenus par la gauche. A l’arrivée, l’UMP qui a subi une déroute au 1er tour, pourrait gagner des cantons et la gauche, en perdre encore. Dans ce cas-là, ce serait une validation de la stratégie de Nicolas Sarkozy : une droitisation qui coûte des voix mais qui peut être payante sur le fil. La gauche pourra alors s’inspirer du contre-exemple marseillais pour distinguer ce qui fait que l’expérience réussit ou qu’elle échoue : l’unité plutôt que la multiplicité des candidatures – et un comportement irréprochable plutôt que le clientélisme et des solidarités anachroniques.
Ecoutez «le parti pris» de ce vendredi 25 mars avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin: