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Affaire DSK : l'antiaméricanisme déforme notre vision

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Le feuilleton de l’affaire DSK continue. Nouveau rebondissement, l’annonce d’une plainte à Paris de Tristane Banon, la romancière qui dit avoir été agressée par DSK en 2003. Pour moi, l'antiaméricanisme déforme notre vision de l'affaire Strauss-Kahn.

Ce qui est frappant, c’est qu’au-delà des sentiments de chacun sur DSK et sur les faits, la vision de l’affaire est obscurcie – y compris parfois dans les médias – par les préjugés sur les Etats-Unis et sur la justice américaine. A force de regarder l’Amérique de travers, nous la voyons à l’envers. Le bon exemple, c’est le reproche fait au procureur de New York d’avoir fait arrêter DSK trop vite et de l’avoir innocenté trop tard. En réalité, il était sans doute normal de l’arrêter, vu les accusations de la femme de chambre. Ce qui l’était moins, c’était de le jeter en prison – au motif qu’il tentait de s’enfuir, ce qui était faux. Quant aux 6 semaines d’enquête pour démonter les mensonges de la plaignante, c’est assez peu – en tout cas en France, ça aurait pris bien plus de temps !

L’argument qu’on entend beaucoup, c’est celui de l’argent : si DSK s’en tire, ce serait grâce à sa fortune ?

Pas du tout. En fait, DSK a payé cher le fait d’être une personnalité et un homme riche. Aux Etats-Unis, la justice tient à montrer qu’elle traite les puissants comme les faibles – du coup, elle traite mal les deux… Ensuite, c’est pour sortir de prison que DSK a dû payer une caution astronomique, louer une villa hors de prix et même régler le dispositif de surveillance imposé par le juge. Donc c’est vrai que sans ses moyens financiers, il serait resté en cellule. Mais on ne peut pas trouver ça juste puisqu’on sait aujourd’hui que l’accusation n’est pas solide. Sur ce point, la vulgate anti-américaine rejoint le cliché français sur DSK déjà apparu avant l’affaire : celui d’un homme trop riche pour être de gauche – et même trop riche pour être honnête. Ce sont des préjugés démagogiques et imbéciles.

L’hypothèse d’un complot contre DSK a ressurgi. Est-ce qu’il peut y avoir une raison d’y croire ?

Là encore, on a facilement tendance, surtout en France, à voir l’Amérique comme le pays des complots. Il y a eu l’assassinat de Kennedy, le Watergate, les mensonges sur l’Irak, la CIA… Maintenant, quel fait précis permettrait d’invoquer une manipulation dans cette affaire ? Je ne vois pas. Que le groupe Accor (à qui appartient le Sofitel) ait prévenu l’Elysée de l’arrestation de DSK, c’est légitime. Les socialistes qui s’en indignent ont tort. En revanche, que le même groupe ait refusé de livrer aux avocats de DSK les horaires de la femme de chambre (qui auraient révélé tout de suite ses mensonges), ce n’est peut-être pas un complot mais c’est une mauvaise manière – dont on ne voit pas bien la justification.

Dernier point : la plainte de Tristane Banon. Est-elle « instrumentalisée », comme le suggèrent les partisans de DSK ?

Je crois qu’elle s’instrumentalise elle-même. C’est sûrement une jeune femme qui souffre. Elle en attribue la responsabilité à DSK, il faut le respecter. Ça n’empêche pas de s’interroger sur la mise en scène qui consiste à faire annoncer une plainte par son avocat pour coïncider avec une interview qui paraît le lendemain. Comme la scène qu’elle évoque est censée remonter à 2003, on doit se demander aussi si son but n’est pas simplement d’empêcher DSK de se tirer du dossier américain – ou d’exercer sur lui une forme de chantage. Dans tous les cas de figure, je ne crois pas que cette nouvelle plaignante parte, a priori, avec plus de crédibilité que n’en a aujourd’hui celle de New York.

Ecoutez « le parti pris » de ce Mardi 5 juillet 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :

Hervé Gattegno