Affaire DSK: les socialistes ont peur du vide

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
Ils ont beau afficher de la sérénité, mettre en avant les soucis des Français, montrer qu’ils gardent leur sang froid et leur calendrier, les socialistes ont toutes les raisons d’être inquiets. Non seulement l’affaire DSK les a privés de leur champion, mais les accusations dont il est l’objet rejaillissement forcément sur eux. C’est assez injuste mais c’est ainsi : depuis une semaine, on reproche aux socialistes d’être misogynes, de se désintéresser de la victime, de tolérer des comportements inconvenants... Je ne sais pas s’ils ont « perdu la bataille morale », comme on l’a fait dire à Nicolas Sarkozy, mais on peut comprendre qu’ils aient perdu le moral.
Martine Aubry a dit hier (sur France 2) qu’elle prendrait ses responsabilités. Si la primaire est maintenue, il y aura plusieurs candidats, un débat, un vote. Ils vont tourner la page DSK…
On va évidemment vers un affrontement entre Martine Aubry et François Hollande – avec Arnaud Montebourg en 3ème homme. Le problème, c’est quand les micros se coupent et que la langue de bois s’arrête, pas un leader socialiste ne croit plus aux chances de gagner en 2012. Maintenant que DSK est disqualifié, on voit à quel point, en réalité, sa candidature était attendue, même si l’on entendait des réticences qui relevaient surtout des jeux d’intérêts. Au-delà du sort judiciaire de DSK et de la tristesse de ses amis, c’est ce qui explique le désenchantement qui a gagné la gauche depuis 8 jours. On est fondé à se demander si le statut de favori de DSK ne masquait pas la faiblesse persistante du PS depuis la fin des années Mitterrand. C’est ce vide-là qui fait peur aux socialistes. Un vide qui ressemble à une malédiction.
Pourtant, après Mitterrand, il y a eu Lionel Jospin. Le PS a exercé le pouvoir – avec d’ailleurs Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn au gouvernement…
Bien sûr mais Jospin a échoué à la présidentielle en 2002. Et s’il a perdu, c’est bien parce qu’il n’a pas su rassembler la gauche sur une ligne claire, une politique qui assume la rigueur gestionnaire, la ligne social-démocrate et l’abandon des vieilles lunes étatistes. Avant Jospin, n’oublions pas qu’il y a eu le renoncement de Jacques Delors, en 1995, qui ne voulait pas être l’otage de l’aile gauche du PS. Et que Michel Rocard n’a jamais pu être candidat, victime d’une conjuration des conservatismes au sein du PS. Le crash de DSK, même s’il n’a pas de cause politique, s’inscrit dans cette continuité. Lui seul paraissait en mesure d’imposer la modernisation idéologique qu’ont opérée tous les socialistes en Europe. Il en avait le désir – et la force. On ne peut dire ça ni d’Aubry ni de Hollande.
Est-ce que l'on risque de reparler de DSK durant la campagne ?
C’est certain – j’ai envie de dire : hélas pour les socialistes. Son calendrier judiciaire va sûrement s’étirer pendant des mois. Jusqu’à un procès qui pourrait se tenir à l’automne – sachant que le vote des primaires est prévu pour octobre. L’effet DSK risque d’agir comme un poison lent. Et s’il finit par s’en tirer (ce qu’on ne doit pas exclure), ils auront forcément des regrets. S’il devait être condamné, les socialistes n’auraient plus seulement peur du vide. Ils seraient au bord du gouffre.
Ecoutez «Le Parti pris» de ce vendredi 23 mai avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :