Bayrou, l'égo-centriste !

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
Si François Bayrou a déjoué les pronostics en 2007, c'est parce qu'il a convaincu des millions d'électeurs qu'il se tenait à égale distance de l'UMP et du PS - et que, justement, cette position lui donnait la force et l'indépendance nécessaires pour gouverner. C'était un candidat centriste et un candidat central. Il y avait un peu de supercherie ou, disons, d'habileté dans cette posture, mais ça l'a conduit aux portes du second tour parce qu'il avait su capter ce désir d'union nationale qui existe toujours dans l'imaginaire politique français. Alors, aujourd'hui, il tient à peu près le même discours, mais l'habileté, la ruse se voient trop. Il n'y a plus d'effet de surprise. Il est toujours centriste, mais il n'est plus central. Il est surtout auto-centré.
Dans son discours d'hier, il a souligné qu'il avait été le premier à insister sur le danger de la dette. C'est un mérite qu'on peut lui reconnaître, non ?
Sans aucun doute. Il en a un autre, d'ailleurs, qui était visible dans l'annonce d'hier : il a bien plus de talent oratoire que tous les autres candidats. À part ça, si le fait d'avoir raison avant tout le monde était un atout en politique, Mendès France, Raymond Barre et peut-être même Alain Juppé auraient été président. Le problème de François Bayrou, c'est qu'avec la crise Nicolas Sarkozy et François Hollande tiennent aussi des discours raisonnables, avec des mines graves, et que, du coup, il n'a rien de différent à offrir. Il dit : "Je ne ferai pas de promesses agréables avant l'élection." Mais les autres n'en font pas non plus. La seule originalité qui lui reste, c'est qu'on ne sait pas où il est. Mais, à force, c'est devenu un handicap...
Son refus de choisir entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal en 2007 lui a fait perdre du crédit ? Il s'est quand même passé beaucoup de choses depuis...
Oui, mais François Bayrou s'est plutôt enlisé dans la confusion. Disons les choses clairement : s'il n'a pas choisi en 2007, c'était moins par indépendance que par arrogance. Il voulait aller au bout de sa logique - et, au fond, il se pensait supérieur aux deux candidats qui l'avaient battu. Aujourd'hui, c'est par calcul qu'il entretient le flou. Son cap, ce n'est plus "ni droite ni gauche", mais "à droite et à gauche". Un pied de chaque côté. Il veut rester compatible aussi bien avec une politique de gauche raisonnable qu'avec une droite modérée. En se disant que, s'il n'est pas qualifié au second tour, il pourra être présent... au troisième tour - c'est-à-dire à Matignon.
Pourtant, il a bien dit qu'en 2012, s'il n'est pas au second tour, il donnera une consigne de vote. À votre avis, il choisira qui ?
À mon avis, il ne le sait pas lui-même. Comme c'est un grand mégalo, voire un vrai égo-centriste - une autre de ses qualités présidentielles -, il se dit forcément qu'il garde une petite chance. En fait, ses idées l'entraînent vers la droite, mais son intuition l'attire à gauche. Son vrai pari, c'est l'effondrement de François Hollande au début de l'année prochaine - et, dans cette hypothèse, il se verrait bien reprendre le leadership à gauche dans le rôle de l'opposant numéro un. C'est audacieux, tacticien, mais loin du panache qu'on pourrait attendre d'un mousquetaire béarnais. Surtout, ça ressemble moins à la tradition des centristes qu'à l'opportunisme des radicaux.