Chirac ne sait plus ce qu'il dit

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
Il faut que notre vie politique soit tombée assez bas pour que cette phrase, qui ressemblait à une saillie provocatrice d’un vieil homme fripon qui n’a plus beaucoup d’occasions de s’amuser, fasse les gros titres de la presse pendant trois jours. On peut toujours disserter sur la portée politique des compliments de Jacques Chirac à François Hollande ; la réalité, c’est que Chirac n’est plus que l’ombre de lui-même, physiquement et intellectuellement, et qu’il n’a pas mesuré ni l’impact ni le même le sens de ce qu’il disait. C’est assez désolant, mais c’est ainsi. De Gaulle a dit : « La vieillesse est un naufrage. » C’est vrai aussi pour les anciens gaullistes.
Soyons clair : il n’a plus toute sa tête ? Ou bien il a besoin de repos, comme le dit Dominique de Villepin ?
Disons qu’il faut attacher à ses mots le même crédit qu’à ce que dit Liliane Bettencourt. Le parallèle a l’air osé, mais il est fondé. Ce sont deux personnes âgées, qui ont des problèmes cérébraux qui provoquent une forme de dégénérescence, de sénilité plus ou moins forte. Et deux personnes dont les proches entretiennent l’illusion de la splendeur passée. Le résultat, c’est le malaise, le mensonge qui les entoure, comme dans le conte d’Andersen où le roi est nu mais personne n’ose rien dire. Dans le monde politique, c’est un secret de polichinelle. Poliment, on dit – comme Villepin – qu’il est « très fatigué » et on survalorise chaque petit moment de lucidité de sa part. On est en pleine folie de la transparence mais ça, personne ne le dit.
Pourtant, il vient de publier le deuxième tome de ses Mémoires. Ce n’est pas lui qui a écrit ?
Je ne peux pas aller jusque là. Mais ce n’est pas faire injure à Jacques Chirac de souligner l’importance de l’aide que lui a apporté l’historien Jean-Luc Barré, qui est un peu plus qu’un coauteur. Et il suffit de lire le livre pour constater qu’il est très pauvre en anecdotes personnelles. En tout cas, on a vu que déjà, les réactions aux critiques sur Nicolas Sarkozy qui figurent dans le livre, ont exigé une correction de tir en urgence : samedi, dans le Figaro, il a promis de se tenir à l’écart du débat politique. Résultat : le même jour, il n’a pas pu retenir ce que son entourage appelle un « trait d’humour corrézien ». C’est rageant pour Hollande : avant, on lui reprochait de faire trop de blagues, mais au moins, c’était les siennes !
Sérieusement, le soutien de Chirac peut-il desservir François Hollande dans la primaire socialiste ?
Pas vraiment. Si la question est : « Chirac peut-il avoir pensé ce qu’il a dit ? », c’est oui : il a aidé Mitterrand contre Giscard, il peut faire pareil avec Hollande contre Sarkozy. Mais il y a deux autres questions plus sérieuses qui ne sont pas posées : 1. Chirac doit être jugé en septembre dans les affaires du RPR ; est-il en état de répondre à la justice ? 2. En tant que membre du Conseil constitutionnel, Chirac est tenu à une obligation de réserve. S’il est maître de ses paroles, il ne peut pas l’ignorer et il est en faute. S’il n’a plus toute sa tête, il n’y a évidemment plus sa place. Dans les deux cas, il me semble qu’il devrait quitter le Conseil. Et ça, ce n’est pas de l’humour corrézien.
Ecoutez «le parti pris» de ce Mardi 14 juin 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :