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Coup de gueule de Macron aux grands patrons: y'a-t-il une vraie séparation entre argent et pouvoir?

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Lors de son interview au Grand Palais, Emmanuel Macron s’en est pris aux patrons qui, selon lui, se sont "planqués pendant 7 ans", et qui devraient se montrer "patriotes". Est-il dans son rôle?

Emmanuel Macron a volontairement provoqué les grands patrons. Ce qui pour lui n’est pas neutre puisqu’il a souvent été accusé d’être le président des riches. Il a profité de l’occasion pour montrer son indépendance vis-à-vis des grandes fortunes. C’est pas anodin puisqu’en France, pouvoir et argent, ça ne se mélange pas.

Historiquement, ce ne sont pas les riches qui ont le pouvoir, en tout cas, ils ne gouvernent pas. En France, rien n’est au-dessus de la puissance publique. Les rois avaient beaucoup de pouvoir, mais ils n’étaient pas spécialement riches. L’Etat était d’ailleurs toujours à court d’argent. Le métier d’un roi, c’était pas de gagner de l’argent, c’était de le dépenser, et donc d’en trouver. Pour la gloire du pays : les guerres, l’armée, l’Etat... Les grandes fortunes étaient tenues à l’écart du gouvernement, sauf quand on avait besoin de leur argent.

Comment pour leur prendre leur argent ?

On leur donnait ce qu’ils n’avaient pas: le prestige. L’honneur de travailler auprès du roi. Et en échange, ils payaient. Par exemple, pendant la Guerre de cent ans, énorme conflit de la fin du Moyen Âge entre la France et l’Angleterre, le roi Charles VII a besoin d’argent. Donc il confie les finances du royaume à un riche négociant : Jacques Cœur. En échange, ce Jacques Cœur va prêter des sommes énormes pour financer la guerre contre les Anglais. Alors, on va gagner. Et après, comme on n’avait plus besoin de lui, on l’a exilé, oust. Et le roi ne paiera jamais ses dettes. Ca fonctionnait comme ça.

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Chevallier remonte le temps : Argent et pouvoir en France à travers le temps - 11/02
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La monarchie survivait comme ça, et avec les impôts bien sûr. A l’époque, les grands patrons comme aujourd’hui, ça n’existait pas. Ce sont surtout des marchands, des commerçants, ils sont riches, mais dans leur coin. Il y avait une séparation assez étanche.

Il faut attendre le XIXe siècle pour que l’argent prenne le pouvoir. Sous le règne du roi Louis-Philippe, entre 1830 et 1848, des banquiers et des industriels, parfois les deux, sont nommés ministres. Et même Premier ministre. C’est le cas par exemple de Jacques Laffite, notre tout premier chef de gouvernement issu du monde des affaires. C’est la seule fois dans notre histoire où ils seront à ce point associés au pouvoir. Et ça n’a pas été une grande réussite.

Comment expliquer cette séparation entre argent et politique ?

En France, le chef de l’Etat a un lien direct avec le peuple. Sa mission historique, c’est de protéger les faibles contre les puissants. C’est le contrat entre lui et nous : on lui donne le pouvoir, et il gouverne pour nous. S’il s’associe aux riches, il change de camp, il est du côté des plus forts. Donc il rompt le contrat. C’est un peu symbolique, mais ça compte. En France, l’argent n’est pas roi.

Arthur Chevallier (édité par J.A.)